Un comédien romand pas comme les autres

Publié le 16 septembre 2022
Pour faire rire, il faut être profondément humaniste. La sensibilité, l’écoute, l’observation de son entourage, la bienveillance et l’esprit critique sont des atouts nécessaires pour pouvoir railler la vie et la société sans que ce soit blessant. Cette rencontre du jeudi matin sur une terrasse lausannoise prouve qu’il y a ici, «chez nous», des vrais comédiens sans chichi, sans censure et si terriblement humanistes, donc maîtres de leur art. Nous avons rencontré l'un d'eux, Mirko Rochat.

Parmi les comédiens romands, Mirko Rochat fait partie de ceux qui sont ouverts à tous les sujets. Très intéressé et encore plus investi à comprendre ce qui l’entoure, il garde son esprit critique en éveil.

Durant la crise du Covid, beaucoup ont constaté que le monde de l’art, qui aime pourtant la liberté sous toutes ses formes, était plutôt muet ou gêné, voire relayait les directives du gouvernement. Est-ce là son rôle? Chacun en décidera. Lorsqu’il s’agissait de trier ou de refuser des spectateurs, il n’en était pas question pour Mirko, c’était inacceptable. Cela ne correspondait pas à l’idée qu’il se faisait de son art et du partage. Le fait d’être ensemble. Il a donc pris la décision d’annuler ses propres spectacles. «Tout et tous ou rien!», disait-il.

Une décision qui a fait des vagues – sans mauvais jeu de mots –, et qui lui a valu des critiques. Est-ce condamnable de tenir à sa liberté de choix et d’opinion? Il en a souffert. Et si c’était à refaire? Il le referait. C’était viscéral, ancré, évident! Hors de question de se trahir. 

Aujourd’hui il espère que les esprits s’apaisent, se retrouvent et se comprennent. Même dans la divergence. Chacun aura fait des choix. Mirko Rochat a assumé les siens.

Etait-il prédestiné à devenir comédien? Oui et non. Clown de classe dans sa petite école d’Apples (VD), il a toujours aimé la plaisanterie, le dérisoire. Faire rire était sa spécialité, son large sourire sa marque. Mais quand il fallut choisir un métier, il s’orienta vers le CFC d’horticulteur. Le rêve de devenir comédien n’était qu’une très, très lointaine contemplation. Durant 15 ans il a accueilli des clients dans sa boutique. Et c’est ainsi tout un monde qui est venu à lui: la dame âgée délaissée, le jeune homme babacool, des couples ennuyeux et des couples carriériste, les gays, les introvertis, les hystériques, les tatoués, les alcooliques, la mélancolique, le body-builder, la bande des filles teenager déchainée et cette équipe de gars bricoleurs et buveurs de bière. Notre société dans toute sa diversité, dans toute sa splendeur, un univers qui montre qu’il faut de tout pour le faire.

Jean-Luc Barbezat le repère dans des «Comedy clubs» où il fait ses premiers pas. En 2012, il lui offre la première partie et une place dans le Gala suisse du Montreux Comedy. Deux ans plus tard, Mirko se lance. Sur scène, il fait vivre des personnages. Il les invente, bâtit un contexte autour d’eux et les fait parler. La scène elle-même est sobre, il n’y a pas de décor envahissant. Il aime construire ses personnages avec les mimiques, les gestes, la voix. D’ailleurs, il possède ce talent mystérieux de faire parler son visage avec une palette d’expressions les plus improbables. Un vrai bonheur. 

Entièrement autodidacte, il n’a pas suivi un seul cursus dans une quelconque école liée à l’art de la comédie. C’est peut-être là la raison de cette capacité à inventer et à créer des univers insolites et marrants avec une approche non-formatée, humaniste sans jamais blesser quiconque. En le voyant sur scène, on ne peut que soupçonner le travail derrière une heure et demie de spectacle. 

Mirko Rochat sort son premier spectacle «Supermâle» en 2017. Le public est séduit. Fin 2019, il lance le deuxième, «En Toute Discrétion», mis en scène par Antonia de Rendinger. Puis la crise du Covid l’arrête net.

Maintenant que le passe sanitaire est une «vieille histoire fumante», depuis quelques mois, Mirko remonte sur scène avec ce spectacle. Et se retrouve face au problème que rencontre un comédien romand autodidacte et campé sur ses positions: la production. En Romandie, le monde du spectacle est petit. Faire la différence en tant qu’étranger au métier est un vrai défi. Mirko est un des rares qui utilise les réseaux sociaux dans sa stratégie de communication: Facebook, Instagram, Telegram, rien ne lui fait peur. Même pas les humains qui s’y trouvent, au contraire.

N’hésitez pas à faire un tour sur ses réseaux, sur son site internet et mieux encore, allez voir son spectacle pour juger si oui ou non cet article dit vrai: un comédien romand pas comme les autres, bourré de talents, profondément humaniste et surtout terriblement drôle.


Retrouver Mirko Rochat sur son site internet, sa page Facebook ou Instagram, et sur son canal Telegram.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Santé

Le parlement suisse refuse de faire baisser les coûts de la santé

Chaque année, à l’annonce de l’augmentation des primes d’assurance maladie, on nous sert comme argument l’inévitable explosion des coûts de la santé. Or ce n’est pas la santé qui coûte cher, mais la maladie! Pourtant, depuis des années, une large majorité de parlementaires rejette systématiquement toute initiative en lien avec (...)

Corinne Bloch
Politique

Le déclassement géopolitique de la Suisse est-il irréversible?

Même s’il reste très aléatoire de faire des prévisions, il est légitime de se demander aujourd’hui ce que nos descendants, historiens et citoyens, penseront de nous dans 50 ans. A quoi ressemblera la Suisse dans un demi-siècle? A quoi ressembleront l’Europe, si elle n’a pas été «thermonucléarisée» entre-temps, et le (...)

Georges Martin

Une claque aux Romands… et au journalisme international

Au moment où le Conseil fédéral tente de dissuader les cantons alémaniques d’abandonner l’apprentissage du français au primaire, ces Sages ignorants lancent un signal contraire. Il est prévu, dès 2027, de couper la modeste contribution fédérale de 4 millions à la chaîne internationale TV5Monde qui diffuse des programmes francophones, suisses (...)

Jacques Pilet

Les fantasmes des chefs de guerre suisses

Il arrive que le verrou des non-dits finisse par sauter. Ainsi on apprend au détour d’une longue interview dans la NZZ que le F-35 a été choisi pas tant pour protéger notre ciel que pour aller bombarder des cibles à des centaines, des milliers de kilomètres de la Suisse. En (...)

Jacques Pilet

Quand les PTT ont privatisé leurs services les plus rentables

En 1998, la Confédération séparait en deux les activités des Postes, téléphones et télégraphes. La télécommunication, qui s’annonçait lucrative, était transférée à une société anonyme, Swisscom SA, tandis que le courrier physique, peu à peu délaissé, restait aux mains de l’Etat via La Poste. Il est utile de le savoir (...)

Patrick Morier-Genoud

L’identité numérique, miracle ou mirage?

Le 28 septembre, les Suisses se prononceront à nouveau sur l’identité numérique (e-ID). Cette fois, le Conseil fédéral revient avec une version révisée, baptisée «swiyu», présentée comme une solution étatique garantissant la souveraineté des données. Mais ce projet, déjà bien avancé, suscite des inquiétudes quant à son coût, sa gestion, (...)

Anne Voeffray

Les délires d’Apertus

Cocorico! On aimerait se joindre aux clameurs admiratives qui ont accueilli le système d’intelligence artificielle des hautes écoles fédérales, à la barbe des géants américains et chinois. Mais voilà, ce site ouvert au public il y a peu est catastrophique. Chacun peut le tester. Vous vous amuserez beaucoup. Ou alors (...)

Jacques Pilet
Accès libre

Nos médicaments encore plus chers? La faute à Trump!

En Suisse, les médicaments sont 50 à 100 % plus coûteux que dans le reste de l’Europe. Pourtant, malgré des bénéfices records, les géants suisses de la pharmaceutique font pression sur le Conseil fédéral pour répercuter sur le marché suisse ce qu’ils risquent de perdre aux Etats-Unis en raison des (...)

Christof Leisinger

Tchüss Switzerland?

Pour la troisième fois en 20 ans, le canton de Zurich envisage de repousser au secondaire l’apprentissage du français à l’école. Il n’est pas le seul. De quoi faire trembler la Suisse romande qui y voit une «attaque contre le français» et «la fin de la cohésion nationale». Est-ce vraiment (...)

Corinne Bloch

Jean-Stéphane Bron plaide pour une diplomatie «de rêve»

Plus de vingt ans après «Le Génie helvétique» (2003), puis avec l’implication politique élargie de «Cleveland contre Wall Street» (2010), le réalisateur romand aborde le genre de la série avec une maestria impressionnante. Au cœur de l’actualité, «The Deal» développe une réflexion incarnée, pure de toute idéologie partisane ou flatteuse, (...)

Jean-Louis Kuffer

Un tunnel bizarroïde à 134 millions

Dès le mois prochain, un tunnel au bout du Léman permettra de contourner le hameau des Evouettes mais pas le village du Bouveret, pourtant bien plus peuplé. Un choix qui interroge.

Jacques Pilet

Droits de douane américains: une diplomatie de carnotzet et de youtse

Le déplacement de Karin Keller-Sutter et de Guy Parmelin aux Etats-Unis, pour tenter d’infléchir la décision d’une taxe supplémentaire de 39 % pour les exportations suisses, a été un aller-retour aussi furtif qu’inutile, la honte en rabe. L’image de nos représentants à Washington, l’air perdu, penauds et bafouillants, fixe définitivement (...)

Jamal Reddani

Cachez ces mendiants que je ne saurais voir!

Après une phase que l’on dira «pédagogique», la Ville de Lausanne fait entrer en vigueur la nouvelle loi cantonale sur la mendicité. Celle-ci ne peut désormais avoir lieu que là où elle ne risque pas de déranger la bonne conscience des «braves gens».

Patrick Morier-Genoud

La Suisse ne dit pas non aux armes nucléaires

Hiroshima, qui commémorait le 6 août les 80 ans de la bombe atomique, appelle le monde à abandonner les armes nucléaires. Mais les Etats sont de moins en moins enclins à y renoncer.

Jacques Pilet

Quentin Mouron ressaisit le bruit du temps que nous vivons

Avec «La Fin de la tristesse», son onzième opus, le romancier-poète-essayiste en impose par sa formidable absorption des thèmes qui font mal en notre drôle d’époque (amours en vrille, violence sociale et domestique, confrontation des genres exacerbée, racisme latent et dérives fascisantes, méli-mélo des idéologies déconnectées, confusion mondialisée, etc.) et (...)

Jean-Louis Kuffer

Trouver le juste cap dans la tempête

La tornade qui, en Europe, s’est concentrée sur la Suisse nous laisse ébaubis. Le gros temps durera. Ou s’éclaircira, ou empirera, selon les caprices du grand manitou américain. Les plaies seront douloureuses, la solidarité nécessaire. Il s’agira surtout de définir le cap à suivre à long terme, à dix, à (...)

Jacques Pilet