Romands, vous n’existez plus!

Publié le 10 septembre 2019
Quelles qualités faut-il pour diriger les CFF? Un chasseur de tête zurichois, Werner Raschle, du bureau Consult & Pepper, l’a expliqué au «Blick» (06.09). Question langues, pour un tel poste, il faut savoir l’allemand et l’anglais. Le français? Pas nécessaire. Enfin quelqu’un qui ose le dire ouvertement alors que tant d’Alémaniques le pensent discrètement. Lors de sa première conférence de presse, le nouveau chef de l’armée a prié les journalistes romands de ne s’adresser à lui qu’en allemand!

Werner Raschle tient un étrange propos. Pourquoi juge-t-il la maîtrise de l’allemand indispensable? «Parce que le CEO doit pouvoir convaincre les représentants du Parlement et communiquer avec la population.» Mais pas besoin du français… Les Romands comptent pour beurre. Et ce «headhunter», biberonné à St.-Gall, New York et Chicago, manifestement peu porté vers les contrées latines, ajoute: «Avec l’obligation du français, 75% des candidats potentiels se trouvent exclus. Les gens top, en-dessous de 40 ans, ne parlent plus couramment le français.»
C’est aussi ce que s’est dit la conseillère fédérale haut-valaisanne Viola Amherd. Non sans courage, elle a désigné au poste de chef de l’armée une personnalité inattendue, plus intéressée par la cyberguerre que par les armes classiques. Fort bien. Le hic? Thomas Süssli, 53 ans, ne parle pas le français. Il ne le comprend même pas puisqu’il demande que l’on ne s’adresse à lui qu’en allemand. Voilà donc un quasi-général qui est incapable de parler d’homme à homme avec un quart de ses soldats. Certes, il promet d’apprendre cette langue en quatre mois. Cet homme brillant s’y mettra, mais qu’il soit permis de sourire. On a entendu si souvent cette pirouette… avec de piteux résultats à la fin.
Et dire qu’en avril 2018, des politiciens UDC pleurnichaient en raison du trop grand nombre de fonctionnaires romands au Département de la défense! 18%, un chiffre record, dû en partie à la présence du chef d’alors, Guy Parmelin. Ce qui lui valut une mise en garde… De qui? De 24 Heures! «Attention à ne pas négliger les Alémaniques!» écrivait Florent Quiquerez dans un réflexe servile familier aux Vaudois.
Que tirer de ces péripéties? Un constat: alors que les rengaines patriotiques et les discours nationalistes montent de partout, les Suisses, e...

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