Puisse le meilleur de Jacques Chessex échapper à ses embaumeurs

Publié le 4 octobre 2019
Dix ans après la mort – le 9 octobre 2009, foudroyé par une crise cardiaque –, de l’écrivain, qui fut parfois un impossible personnage, un dossier de «24Heures» en partie téléguidé par Daniel Maggetti, directeur du Centre de recherches sur les lettres romandes, nous explique, notamment,  comment le «revisiter». Avec certaine hauteur suffisante, une obsession bourdieusarde des «stratégies» sociales et littéraires de l’écrivain, et un aperçu de son œuvre pour le moins réducteur…

Seul auteur suisse a avoir reçu le prix Goncourt, Chessex est mort à Yverdon-les-Bains, à l'âge de 75 ans. © DR
Jacques Chessex a-t-il souri, ou peut être même éclaté de rire, par le miracle de quelque communication spirite, en prenant connaissance du dossier de sept pages que lui a consacré récemment le quotidien vaudois 24Heures avec un titre, significatif du mélange de fumisterie et de clinquant de notre époque médiatique, résumant le phénomène à la «Construction d’une idole»? 
Hélas rien n’est moins sûr, car s’il avait le sens de l’humour et riait parfois de bon cœur, Maître Jacques, grand inquiet devant l’Eternel et le Gros Animal social, perdait de sa débonnaireté quand il s’agissait de sa personne, ou plus exactement de son personnage, au point que, préparant une exposition tirée de ses archive déposées à la Bibliothèque nationale, il pria Marius Michaud, le responsable de l’entreprise, de retirer toutes les photos de lui accusant l’esquisse d’un sourire.
J’avais d’ailleurs prévenu le bon Marius: «Tu montes une expo Chessex aux Archives littéraires? C’est bien, mais prends soin de toi en te faisant prescrire un anti-dépresseur et place ton téléphone sur liste rouge si tu ne veux pas être réveillé toutes les trois nuits pour rendre des comptes à l’énergumène»…    
Or, débarquant à Berne, je ne fus guère surpris de retrouver l’excellent compère tout soupirant et porteur d’une minerve... Du moins la superbe exposition en question était-elle à la mesure de la passion que Jacques Chessex vouait au classement du moindre de ses papiers, de ses manuscrits, de ses trophées divers  et de ses peintures, et c’est avec amusement que je découvris toutes les photos où il pose, grave, ici entre deux chandeliers comme un poète visité par la Muse, là dans un cimetière propice au r...

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