Publié le 14 octobre 2020

Simone de Beauvoir avec Jean-Paul Sartre, milieu des années 1950 © DR

Elle est la Zaza des «Mémoires d’une jeune fille rangée». Elisabeth Lacoin fut la grande amie de jeunesse de Simone de Beauvoir jusqu’à sa disparition brutale à l’âge de vingt et un ans. Jamais l’écrivain – comme Marguerite Duras, Simone de Beauvoir tenait à ce masculin – ne l’oublia et c’est en partie pour lui redonner vie qu’elle entreprit de raconter ses souvenirs. Initialement, Zaza apparaissait dans ce magnifique roman que sont «Les Mandarins». Mais Simone de Beauvoir en retrancha finalement les pages la concernant. Elle lui consacra aussi une nouvelle, restée inédite, qui paraît aujourd’hui sous le titre «Les inséparables».

L’existence de ce texte nous était certes connue. Dans La Force des choses, qui prend la suite des Mémoires d’une jeune fille rangées, on lit en effet:«Je recommençai à écrire, mais mollement. Le seul projet qui me tint à présent à cœur, c’était de ressusciter mon enfance et ma jeunesse, et je n’osais pas le faire sans détour. Renouant avec de très anciennes tentatives, j’entrepris une longue nouvelle sur la mort de Zaza. Quant au bout de deux à trois mois je la montrai à Sartre, il tordit le nez; j’étais bien d’accord: cette histoire semblait gratuite et n’intéressait pas.» Simone de Beauvoir n’en dira pas davantage. Quant aux raisons de l’abandon de ces pages, elles tiennent, comprend-t-on, à leur caractère par trop personnel, mais surtout à leur peu de résonnance avec l’époque et ce qu’est alors l’engagement de l’auteure. 

Simone de Beauvoir  © COSMOS

Nous sommes en 1954. En octobre, Simone de Beauvoir publie Les Mandarins, qui recevra le Goncourt et que beaucoup voient comme le roman de l’existentialisme. Dans la figure d’Anne Dubreuilh mariée à Robert, écrivain de renom, il n’est guère difficile en effet de reconnaître la romancière ainsi que son compagnon, Jean-Paul Sartre. Et, toujours à l’instar de son modèle, Anne vit une intense passion avec un auteur américain, Lewis Brogan, qui n’est autre que Nelson Algren. Enfin, dans le personnage d’Henri Perronet, résistant, directeur du journal L’Espoir, on reconnaît aisément Albert Camus et Combat....

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