Palerme, l’art de l’accueil

Publié le 5 juillet 2018
La capitale de la Sicile fait parler d’elle cet été, parce que son maire défie le ministre de l’intérieur italien avec sa politique d’accueil des migrants. Mais aussi parce qu’elle reçoit Manifesta. Et les deux actualités ne sont pas sans rapports. La biennale européenne d’art contemporain nomade offre des clés exceptionnelles pour découvrir une cité où la végétation, l’architecture et même la pâtisserie témoignent de siècles de multiculturalisme.

Dans le crépuscule de Palerme, doucement rythmés par un tambour africain, les discours se succèdent. En ce soir de juin, on ouvre une biennale d’art contemporain atypique et nomade, née à Rotterdam en 1996 et qui, après Saint-Pétersbourg en 2014 et Zurich en 2016, fait halte dans la capitale sicilienne, jusqu’au 4 novembre.
C’est au tour du maire de prendre la parole sur la grande estrade. Leoluca Orlando s’enthousiasme: «Que Manifesta aide ceux qui découvrent Palerme à l’aimer et permette à ceux qui y vivent de l’aimer plus encore». Une fois de plus, il répète qu’un migrant qui arrive à Palerme devient un Palermitain et cette posture d’accueil qui est la sienne depuis longtemps, sonne comme un défi au ministre de l’intérieur italien, qui aujourd'hui refuse l’accès des ports aux navires qui secourent hommes, femmes et enfants à la dérive en Méditerranée. Elle avait déjà abouti, en 2015, lors du congrès «Io sono persona», à la Charte de Palerme qui propose l’abolition du permis de séjour, que Leoluca Orlando considère comme relevant d’un système criminogène, poussant au trafic d’êtres humains. 
Certes, ce septuagénaire, qui a cheminé avec la Démocratie chrétienne et l’Italie des valeurs, bénéficie encore de l’aura que lui a conféré son combat contre la mafia dans les années 1990. Reste que ce discours d'ouverture, à l’heure où les extrêmes-droites draguent les populations, ne l’a pas empêché d’être réélu en 2017 pour la cinquième fois, avec 74 % des voix.

La Palerme arabo-normande

L’hospitalité palermitaine a aussi été mise en avant dans le dossier qui a permis à la ville d’obtenir le titre de capitale italienne de la culture pour 2018. Avec l’idée que la culture stimule l’économie et que son absence creuse les inégalités sociales. Cette année culturelle est l’occasio...

Ce contenu est réservé aux abonnés

En vous abonnant, vous soutenez un média indépendant, sans publicité ni sponsor, qui refuse les récits simplistes et les oppositions binaires.

Vous accédez à du contenu exclusif :

  • Articles hebdomadaires pour décrypter l’actualité autrement

  • Masterclass approfondies avec des intervenants de haut niveau

  • Conférences en ligne thématiques, en direct ou en replay

  • Séances de questions-réponses avec les invités de nos entretiens

  • Et bien plus encore… 

Déjà abonné ? Se connecter

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Respirer une fois sur deux avec Alain Huck

C’est une des plus belles expositions en Suisse cet été, à voir jusqu’au 9 septembre au Musée cantonal des Beaux-Arts (MCBA) de Lausanne. Alain Huck propose une promenade dimensionnelle à travers les mots et la pensée. Miroir d’un état du monde terrifiant, son œuvre est néanmoins traversée de tendresse, histoire (...)

Michèle Laird
Accès libre

Jean Frémon, vendeur d’art

«Probité de l’image», recueil de vingt-huit textes rédigés entre 1991 et 2022 pour des catalogues par le directeur de la galerie Lelong, sise rue de Téhéran à Paris, c’est-à-dire l’ancienne et fameuse galerie Maeght, nous livre un riche et précieux témoignage des rencontres infiniment variées de Jean Frémon (1946) avec (...)

Yves Tenret

A Venise, l’art contemporain exténué

Depuis 1895, la Biennale de Venise, la plus ancienne et la plus prestigieuse foire d’art contemporain, présente les dernières tendances. Or depuis quelques années, une vérité s’y affirme peu à peu: dans l’art, comme dans nos société en général, il n’existe plus, ni tendances, ni projet.

David Laufer

La mise à mort sacrificielle de Damien Hirst

Imaginez les femmes de Downton Abbey, ou celles du Swinging London des années 60. Eblouissantes d’élégance, de style et de sous-entendus. Sautez jusqu’en 2020 et voyez ces jeunes Londoniennes, leurs corps flasques débordant de leurs robes trop courtes, ivres mortes, visages botoxés à peine visibles derrière des couches de maquillage (...)

David Laufer

Pourquoi j’ai fermé ma galerie d’art

J’ai enfin décidé de fermer ma petite galerie de la rue Krunska, au centre de Belgrade. J’y avais organisé des vernissages couronnés d’un indéniable succès, réunissant tout ce qui compte dans la ville. J’y avais diverti des collectionneurs, des conservateurs et des critiques de renommée mondiale. Uli Sigg, l’un des (...)

Accès libre

Les vieux désespèrent Simon-Pierre, même lorsqu’ils meurent

Les tragi-comiques péripéties de la famille Schinken Pochon ///// Pour le fils de Jacques-André et de Nadège, rien ne va plus. La glorification de certains morts l’affecte, comme l’affectent les comportements décadents des membres de sa famille. En plus, avec les White Falcons, c’est la débandade: la variole du singe (...)

Accès libre

Les transformations actuelles des pratiques artistiques

L’ouvrage collectif «Entre mémoire et oubli», édité par L’Atelier contemporain, expose comment pour exister face au poids de l’histoire, l’art doit faire table rase du passé et s’en remettre au «présentisme» contemporain au point de s’en tenir parfois à des formes conceptuelles ne laissant d’autres traces que le document ou (...)

Accès libre

Une dense et neuve biographie de Francis Picabia

«Francis Picabia, rastaquouère» de Bernard Marcadé est la grande biographie qui nous manquait sur l’un des fondateurs de l’esprit Dada, l’invraisemblable inventeur de tant de nouvelles pratiques artistiques promises à un grand avenir, telles que l’art abstrait, le ready-made, l’art mécanomorphe, le détournement, l’appropriation, les procédures de cut-up, du mixage, (...)

Accès libre

Prune se cherche un genre

Retrouvez chaque semaine les tragi-comiques péripéties de la famille Schinken Pochon – Grâce à son petit ami, Prune explore son identité sexuelle. Dans le domaine artistique également elle fait des expériences tout à fait contemporaines. Bref, elle peint avec son vomi et arrête de s’épiler les jambes, ce qui émerveille (...)

Accès libre

L’inquiétude d’Anselm Kiefer

Le plasticien allemand Anselm Kiefer expose au Grand Palais éphémère, à Paris, un nouveau projet de dialogue avec le poète Paul Celan. Traversée par les thèmes de prédilection et les obsessions des deux artistes, l’exposition «Pour Paul Celan», composée d’œuvres conçues entre 2015 et 2021, n’est pas une illustration mais (...)

Accès libre

Portrait, autoportrait: ce qui compte, c’est d’être un sujet

Une exposition et un livre proposent une passionnante réflexion sur le portrait et l’autoportrait, ce qui n’est pas inutile à l’époque du selfie. A voir au musée Jenisch de Vevey et à lire aux Cahiers dessinés, guidés par Frédéric Pajak.

Vincent Corpet, joueur de bonneteau et diseur de bonne aventure

A l’occasion d’une exposition rétrospective des dessins de Vincent Corpet, Agnès Callu, historienne de l’art, consacre au travail de l’artiste un élégant catalogue de 80 pages comprenant de nombreuses reproductions. Elle y livre l’analyse d’un geste esthétique hanté par un trajet biographique, lui-même sous le joug d’obsessions formelles qui, partout, (...)

La vie mosaïque de Niki de Saint-Phalle

Née en 1930, morte en 2002, la sculptrice a mené une existence de femme et d’artiste libre, engagée, autodidacte, réalisant des œuvres monumentales dans le monde entier. Une biographie «totale» relate sa vie, évoquant notamment le lourd secret de son enfance et sa vie avec le sculpteur fribourgeois Jean Tinguely.

Accès libre

L’art dans l’urgence climatique

Que penser de l’intervention des artistes dans le débat qui secoue la planète sur sa propre destruction? Deux projets récents en Suisse romande nous donnent des indices. Bref survol de l’activisme qui les a précédés pour s’arrêter sur le nouveau pouvoir de sensibilisation de l’art quand les discours et les (...)

Accès libre

Derrière les grands plasticiens, des petites mains uberexploitées

Plus l’art se fait conceptuel, moins les artistes y mettent la main, plus le rôle de leurs aides s’accroît. Mais sans la reconnaissance ni la rétribution. Le magazine «Mouvement» a recueilli le témoignage de quelques-uns de ces «assistants d’artistes», jeunes, motivés, ultraflexibles et mégadociles, agents idéaux d’une scène de l’art (...)

Triennale sur une autoroute

Le Relais du Saint-Bernard sur l’A9 reçoit la 4e Triennale d’art du Valais. Lieu improbable pour une manifestation d’art contemporain, 30 artistes confirmés, d’ici et d’ailleurs, investissent l’espace hybride, entre mécanique et nature, la plupart avec des œuvres créées pour l’événement. Pause ludique jusqu’au 22 octobre.