Muriel Cerf, antiportrait

Publié le 15 janvier 2020

Muriel Cerf, étoile filante, aurait eu 70 ans cette année. – © Mercure de France

Vous possédez un don des dieux, le talent narratif», lui avait écrit André Malraux après la publication de son premier livre. Muriel Cerf, car c’est d’elle qu’il s’agit, qui nous a quitté en 2012, aurait eu 70 ans cette année. Difficile pourtant de l’imaginer septuagénaire. Tant la romancière de L’Antivoyage, du Roi et les voleurs, de Hiéroglyphes de nos fins dernières, restera pour toujours cette jeune prodige des Lettres, conjuguant talent et beauté.

Son visage pur de jeune fille sage, comme échappée de quelque pensionnat, m’a longtemps habité. C’était en 1975. J’étais à Paris et c’est par le journal Le Monde – à moins que ce soit dans Les Nouvelles littéraires – que j’ai découvert Muriel Cerf. Dans un coin de page, il y avait un placard annonçant la parution de son dernier livre, Le Diable vert. Sur la couverture figurait un portrait de l’écrivain – elle tenait à ce masculin qu’elle trouvait plus joli qu’écrivaine. Je me souviens avoir découpé la publicité pour la glisser dans mon carnet. Une année auparavant, la jeune femme avait fait une entrée remarquée sur la scène littéraire avec son roman autobiographique, L’Antivoyage. Ce qui m’impressionnait d’autant plus qu’elle était alors à peine plus âgée que moi.

Muriel Cerf avait vu le jour en 1950 dans le quartier populaire de Belleville à Paris. Ses parents s’étant séparés, elle est élevée par sa grand-mère. Celle qu’elle appelle Mamita. L’un des êtres qui compta certainement le plus dans sa vie, auprès de qui elle écrira et dont elle fera l’un des personnages de Julia M ou le premier regard (1991). Elle suit les cours de l’Ecole du Louvre, pense à devenir antiquaire, découvre Henry Miller, lit La crucifixion en rose, part pour l’Asie. A son retour, elle prend des cours de chinois, de dessin, est engagée comme stagiaire au Figaro. Mais, déjà, il lui faut repartir. Cette...

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