Sus aux moutons verts

Un street art de l’artiste danois Miki Pau Otkjær sur un mur d’Hillerød, au Danemark (mars 2019). – © Neogeografen/Wikimedia
Depuis que plus ou moins tout le monde a réalisé l’étendue de la catastrophe environnementale dans laquelle on a réussi à se mettre, après des années d’efforts ininterrompus pour ruiner la planète et surexploiter ses ressources, l’écologie est à la mode. Et, comme pour toutes les modes, elle a ses détracteurs. Un peu comme ceux qui seraient contre l’idée du bonheur ou s’opposeraient à la paix dans le monde, certains estiment qu’il est de bon ton de remettre en question les efforts concrets pour lutter contre le réchauffement climatique et d’essayer de décrédibiliser ceux qui agissent pour les mettre en place. Eh oui, il faut bien qu’ils prennent part à la problématique la plus en vogue de notre époque d’une manière ou d’une autre, au risque sinon de tomber dans l’oubli.
Mais ceux qui crient à l’effet de mode semblent ne pas réaliser qu’ils sont eux-mêmes captifs du procédé qu’ils dénoncent. Le «green bashing». Au but bien moins utile que son antagoniste, ce dernier sert surtout à faire mousser les egos des grands penseurs de notre temps qui veulent démontrer à la cantonade qu’ils ne sont pas dupes. Qu’à eux, on ne la fait pas. Et peu importe l’absurdité du projet, comme de leurs propos, l’essentiel est de démontrer au monde – et surtout à eux-mêmes – qu’ils ne succomberont pas à la folie ambiante, qu’ils ne rejoindront pas le troupeau. En prenant sans arrêt – et sur tous les sujets – le contre-pied de ce qu’ils voient comme la masse bienpensante, ils finissent par devenir une sorte de cliché d’eux-mêmes et ne parviennent plus à étonner personne, puisque leurs discours faussement subversifs sont toujours là où on les attend. La seule stupéfaction dont on peut encore espérer être frappés réside dans le niveau d’idiotie des arguments. Un domaine dans lequel Michel Onfray s’est récemment fait remarquer, non sans un certain brio.
L’exemple parfait de cette inconscience qui frise la déviance comportementale s’illustre dans le traitement réservé par l’écrivain à l’adolescente suédoise déjà très critiquée Greta Thunberg. Le philosophe autoproclamé n’a rien trouvé de mieux à faire que de reprocher à la jeune fille son allure de «cyborg» et son air préoccupé, s’offusquant du fait qu’elle «ne sourit jamais». Mimi aimerait peut-être voir une Greta frétillante qui psalmodierait ses discours sur la fin du monde entre deux vannes grivoises, en faisant des claquettes?
Ici même, Jonas Follonier avait relevé les accointances de Greta dans un de ses articles, s’étonnant de voir l’adolescente traîner avec Al Gore, cherchant à tout prix la théorie du complot dans l’entourage de la jeune fille. Comme si c’était étonnant que des gens qui défendent le même combat se rassemblent. Je n’ai honnêtement toujours pas compris en quoi la bande de potes de Greta, qui s’est récemment fendue d’une réponse à ses détracteurs, était importante pour l’avenir de la planète. En fait, on s’égare un peu loin du problème et cette manière de changer grossièrement de sujet et de détourner l’attention de la cause principale explique certainement en partie pourquoi on en est là. C’est-à-dire au bord de la catastrophe. C’est un peu comme les cyniques ronchons qui s’offusquent de l’implication des grosses fortunes dans des causes humanitaires, sous prétexte qu’elles le feraient par intérêt. Et alors? Le résultat est là, non? Pourquoi ne pas se concentrer sur les avancées et laisser les gens se débrouiller avec leurs consciences?
En ce qui me concerne, j’en ai ras le bol de tous ces donneurs de leçons, intellos franchouillards et moralisateurs à la noix qui, confortablement installés dans leurs apparts climatisés, se permettent de venir saper l’élan collectif, objectivement pas si débile que les précédents, pour une fois!
La bêtise aurait-elle changé de bord?
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