Les fêlures du réel

© Pixino
«Habituellement, les concierges retirent l’arbre la deuxième semaine de janvier.» Cette simple considération ménagère, dans les premières pages de Nécrologie du chat, donne le ton, revêt les atours d’une véritable situation catastrophe. Après Le Garçon (Serge Safran Éditeur, 2016), Olivia Resenterra continue de creuser de profondes failles dans la réalité moite et grise des êtres provinciaux, espèce à part, ombrageuse et imprévisible, et joue à cache-cache avec le fantastique jusque dans les détails les plus triviaux.
Par de précis effets de style, d’optique et de loupe, le peignoir du concierge, le sandwich des cyclistes, les pastilles de menthe de la boîte à gants, le cake au citron bourratif et les poils d’un chien de paysan deviennent inquiétants, non parce qu’ils seraient artificiellement chargés d’irréalité, mais par la profondeur implacable de leur réalité même. La romancière en a fait une marque de fabrique, son truc à elle. Dialogues minimalistes, récit bref, succession d’événements découpés comme au couteau de boucher, elle trace des cartes postales sordides et néanmoins élégantes d’une réalité si infime qu’elle nous échappe, la plupart du temps, et n’a pas bonne presse dans les romans à la mode.
Ana, jeune femme habitant un immeuble de lotissement isolé au milieu des terres agricoles, vient de perdre son chat. Elle garde près d’elle le corps de l’animal dans sa boîte de transport en quête d’une sépulture décente, pressée par l’urgence de la décomposition des chairs. C’est trivial et millimétré. Cela se déroule dans un nulle part qui pourrait...
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