Le roman d’Anton Pavlovitch nous révèle un autre Tchekhov

Publié le 2 mai 2019
Bien plus que la seule bio quasi exhaustive du grand écrivain russe, qui modifie de beaucoup son image trop souvent édulcorée, voire diaphane, c’est une traversée de son œuvre de nouvelliste et de dramaturge que nous propose «Anton Tchekhov – une vie» de Donald Rayfield, et un aperçu prodigieusement vivant de son univers familial, du milieu littéraire et théâtral qu’il fréquenta et de la société russe de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.

Anton Pavlovitch Tchekhov (1860-1904) n’a pas signé un seul roman, comme il y aspirait à certains moments et malgré le fait que certains de ses longs récits – à commencer par La steppe qui lui valut sa première grande popularité –, tendent à la dimension romanesque, et ce n’est pas le moindre paradoxe que la vie de ce petit-fils de serfs très peu académique fasse l’objet, sous la plume d’un vénérable prof d’université anglais, d’un aussi formidable «roman» qu’ Anton Tchekhov – une vie. 
Comme le relevait Henri Troyat (né Lev Aslanovitch Tarassov), qui lui consacra lui-même une biographie chatoyante parue en 1984, Tchekhov est resté longtemps à moitié méconnu en France, où son théâtre était certes célébré dès les années 1920, notamment grâce à Georges Pitoëff, alors que sa production narrative, comptant plus de deux cent cinquante récits, tantôt très brefs et satiriques (à ses débuts surtout de tout jeune étudiant en médecine), et de plus en plus développés et lestés de pénétration incisive ou de mélancolie, représente une véritable comédie humaine à la russe. 
Brassant catégories sociales et types humains, Tchekhov y montre une connaissance de notre drôle d’espèce affûtée par sa pratique de la médecine dans les milieux les plus humbles et la clientèle la moins relevée – notamment les prostituées moscovites dont il soignait au mieux les «maladies de peau» –  la syphilis –, après avoir perdu son pucelage à treize ans dans une maison close de son bled natal de Taganrog, sur les rives de la mer d’Azov...
La myopie d'Elsa Triolet et une certaine méconnaissance 
Avant Henri Troyat, Elsa Triolet avait été la première biographe de Tchekhov en langue française, dans le premier des 20 volumes présentant l’œuvre aux Editeurs français réunis, dès 1951, mais cette introduction lourd...

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