Le «Ramdam» d’Antonin Moeri ne tombera pas dans l’oreille des sourds

Publié le 24 octobre 2019
Dans sa dernière fiction, l’auteur romand joue avec un fait de société (la guerre entre voisins) comme s’y emploient le percutant Ferdinand von Schirach dans ses nouvelles ou le non moins grinçant Ulrich Seidl dans ses films proches du «docu».  Où le style, à tout coup, le regard personnel et la patte font office de valeur ajoutée…

Les conflits de voisinage ont ceci de particulier, dans la longue histoire des relations humaines, qu’ils prennent souvent, à partir de vétilles, des proportions tellement outrées qu’elles en deviennent irrésistiblement comiques, et La brouille des deux Ivan de Gogol en est la meilleure illustration en littérature.  
Il y a quelques années de ça, un reportage de la télé romande documentait ce genre de bisbilles dans un contexte de villas Mon rêve où des nains de jardins de nos régions se transformaient soudain en foudres de haine et autres harpies, recourant tantôt à la police et tantôt aux tribunaux pour des questions infimes de pelouses défrisées ou d’arbrisseaux jetant de l’ombre sur le jacuzzi voisin, que c’en était à se tordre de rire. 
Bref, chacune et chacun connaît ce genre de situations bêtes ou méchantes sans en faire pour autant un plat ou pire: un livre, alors qu’Antonin Moeri s’y accroche, dans Ramdam, avec une sorte de passion vorace qui ne date à vrai dire pas d’hier.
De fait celles et ceux qui ont suivi le parcours littéraire de ce nouvelliste mordant (Allegro amoroso ou Le sourire de Mickey) auteur en outre de plusieurs romans décapants travaillant le matériau actuel et le langage des temps qui courent avec une acuité verbale à la Houellebecq, plus ou moins héritier aussi d’un Thomas Bernhard par son usage du sarcasme et de l’humour noir – ceux-là donc auront apprécié (ou pas!)  le type d’observations cinglantes, voire désobligeantes, de celui qui représentait son double narrateur en veste de pyjama dans son roman précédent – l’une de ses plus belles réussites.

Antonin Moeri. © DR
L'homme qui a vu Naïm qui a vu Malik...
Or Ramdam développe l’observation du scrutateur en veste de pyjama de façon plus têtue, tonique et panique, et plus «explicite» dans s...

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