Le goût du clinquant comme unique compétence

Publié le 29 mars 2019

Annik Mahaim est une écrivaine, journaliste et historienne vaudoise. – © Jean-Marc Cherix

La romancière et nouvelliste Annik Mahaim propose, avec son recueil intitulé «Pas de souci», un florilège de destins individuels comme autant d’illustrations à peine exagérées d’un monde (du travail, mais pas seulement) où l’absurde règne en maître. À quel point sommes-nous prêts à nous écarter de nous-mêmes pour briller en société? questionne-t-elle à travers la nouvelle qui a pour titre «Le syndrome de Lies».

Avec le recueil Pas de souci, paru aux éditions Plaisir de lire en 2015, la romancière et nouvelliste Annik Mahaim nous offre un savoureux condensé de dysfonctionnements propres à notre société moderne en général et au monde du travail en particulier. Dans RH interne 5678, une employée pleine de bonne volonté se démène pour tenter envers et contre tout d’accomplir son travail au plus près de sa conscience. Splendide caricature de la bureaucratie dans tout ce qu’elle a de plus déshumanisant.

Mais c’est Le syndrome de Lies qui m’a le plus interpellée. Annik Mahaim y met en scène, dans un style fluide et sans fioritures, la société de surconsommation et son pouvoir d’aliénation. Par un récit à la première personne, elle invite le lecteur dans la tête d’une narratrice qui n’existe que par et pour l’image qu’elle renvoie à la ronde. Épater la galerie, c’est sa raison d’être. Le shopping, l’unique activité susceptible de lui procurer de grands frissons. Sûre de son bon goût, elle écume les boutiques dans un état de fébrile euphorie. «Je raffole de ces moments quand, entrant dans un magasin inconnu, je me sens électrisée, presque en transe, en plein rêve, quand il y a là TOUT ce que je désire (…) Je fais durer le plaisir, je ne commence pas par examiner ce qui m’affriole, je contourne les rayons les plus ensorcelants, je me dirige d’abord vers les coins sombres, au fond du magasin, pour être sûre de ne rien rater (…)» La...

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