Lausanne, capitale des livres interdits

Publié le 26 novembre 2018

Nils Andersson a accepté de signer quelques autographes. – © 2018 Bon pour la tête / David Glaser

A la fin des années 50, dans une capitale romande commençant à vibrionner de plus en plus sur son flanc culturel, le franco-suédois né à Lausanne Nils Andersson va lancer l'aventure de La Cité Editeur, une maison d'édition permettant l'accès pour les Romands à des livres politiques ou de littérature majeurs pour leur temps. L'homme et son entreprise connaîtront une ascension telle qu'ils vont finir par déranger les pouvoirs suisse et français. Andersson sera expulsé en 1967 de son pays de naissance. Entretien avec cet exilé qui se «refera» en Belgique, en Albanie, en Suède puis en France sans avoir jamais rien regretté de ses choix d'éditeur militant très à gauche.

Une rencontre avec Nils Andersson, c’est l’assurance de replonger dans une période terriblement stimulante pour le monde des débats politiques en Suisse romande. Plutôt rare par chez nous, le Lausannois vit aujourd’hui à Paris, il a beaucoup œuvré pour la liberté d’expression, façon hussarde, travaillant le verbe des autres, les écrits révélateurs d’une époque, les vérités qui ne font pas plaisir à lire, en tant que créateur d’une maison d’édition indépendante, La Cité Éditeur. Né en 1957 sur un coup de chance, dans un contexte européen chargé, dans lequel le voisin français tente la force pour dominer des Algériens qui n’en peuvent plus d’être colonisés, La Cité Éditeur va marquer l’histoire de l’édition politique francophone. On y reviendra dans quelques instants. Mais parlons de l’homme Andersson, né en 1933 – comme un symbole politique, car c’est l’année de l’arrivée des Nazis au pouvoir en Allemagne – il se fera un plaisir de mettre en avant ses idéaux, très à gauche, et de débattre sans cesse. Sa vie a, d’ailleurs, été illustrée jusqu’à maintenant par ce parcours cohérent, refusant que la démocratie ne serve surtout qu’à favoriser les Bourgeois et les puissants. Une vie de refus pour ce modèle américain du capitalisme gourmand qui laisse sur le bas-côté de la route ceux qui ne sont pas montés à temps dans la Ford T lancée à vive allure sur les autostrades de la croissance et du «bien-être» consumériste.

 

Durcissement des comportements

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Jean-Louis Kuffer