La taxe britannique sur les boissons sucrées est efficace

Publié le 9 août 2024
Depuis 2018, la Grande-Bretagne applique une taxe sur les boissons sucrées. Des chercheurs de l'Université de Cambridge ont étudié comment celle-ci avait influencé la consommation de sucre des Britanniques. Les recherches concluent à l'efficacité de cette mesure: après une année d'application seulement, la consommation de sucre avait sensiblement diminué.

Daniela Gschweng, article publié sur Infosperber le 26 juillet 2024, traduit par Bon Pour La Tête


Au cours des onze premiers mois suivant l’introduction de la taxe, les enfants comme les adultes ont consommé nettement moins de sucre qu’auparavant, résume l’étude publiée dans la revue Epidemiology & Community Health. La consommation de sucre avait toutefois déjà baissé après l’annonce, en 2016, de la mise en place de cette mesure.

Plusieurs grammes de sucre en moins chaque jour

L’étude se base sur des données représentatives de la santé de 7’999 adultes et 7’656 enfants en Grande-Bretagne entre 2011 et 2019. Les chercheurs ont constaté que pendant ces années, la consommation de sucre a d’abord diminué de manière constante.

L’annonce de la taxe sur le sucre en 2016 a nettement renforcé cette tendance. Au cours des onze premiers mois suivant son introduction, les enfants ont consommé chaque jour environ 5 grammes de sucre ajouté de moins qu’attendu. Les adultes ont consommé 11 grammes de sucre en moins. Seule la moitié environ de cette quantité, à savoir 3 grammes (pour les enfants) et 5 grammes (chez les adultes), provenait de boissons non alcoolisées.

Consommation de sucres ajoutés provenant d’aliments chez les adultes (à gauche) et les enfants (à droite) britanniques, en grammes par jour. La taxe sur le sucre en Grande-Bretagne est entrée en vigueur en avril 2018. Dès l’annonce de la taxe en 2016, la consommation de sucre a nettement chuté.

La taxe britannique sur le sucre, appelée Soft Drinks Industry Levy (SDIL), s’applique aux sodas de manière échelonnée en fonction de leur teneur en sucre:

  • Les boissons dont la teneur en sucre est inférieure à cinq grammes pour 100 millilitres ne sont pas taxées.
  • Pour les boissons contenant entre 5 et 8 grammes de sucre pour 100 millilitres, la taxe est de 18 pence par litre (21 cents ou 20 centimes).
  • Pour les boissons contenant plus de 8 grammes de sucre pour 100 millilitres de boisson, le sucre ajouté coûte 24 pence par litre (29 cents, 28 centimes).

L’apport journalier recommandé est largement dépassé

La Grande-Bretagne a introduit cette taxe parce que le pays est confronté à un problème de taille. En 2021, plus des trois cinquièmes (64%) des adultes étaient en surpoids. A titre de comparaison, la moyenne de l’UE était d’un peu plus de la moitié en 2019.

L’une des raisons de cette épidémie est la consommation élevée de sucre. Cet effet est particulièrement visible chez les adolescents. L’OMS et le Conseil scientifique de la nutrition de Grande-Bretagne, le SACN, recommandent que les sucres ajoutés ne représentent que 5% des calories absorbées. Un maximum de 30 grammes de sucre par jour est la limite que les autorités conseillent de ne pas dépasser pour un adulte; pas plus de 24 grammes pour les enfants de moins de 10 ans, 19 grammes au plus pour les moins de 6 ans.

A noter que la recommandation suisse est plus généreuse: 50 grammes pour les adultes et 30 grammes pour les enfants. Elle se base sur la quantité maximale recommandée par l’OMS.

Des recommandations impossibles à appliquer

30 grammes de sucre représentent environ trois cuillères à soupe, près de 7 morceaux de sucre en Suisse ou 10 en Allemagne, où les morceaux sont un peu plus petits.

Sauf que dans la pratique, la plupart des gens en consomment davantage. Un litre de Coca-Cola contient déjà 106 grammes de sucre, une tablette de chocolat peut en contenir plus de 50 grammes, même un seul yaourt peut dépasser la limite des 30 grammes. Le sucre est également ajouté à de nombreux aliments qui n’ont pas de goût sucré.

En Grande-Bretagne, les adolescents consomment environ 70 grammes de sucre par jour, constatent les auteurs de l’étude de Cambridge. Les boissons sucrées en sont une source importante. Selon une étude de 2015, elles représentaient déjà un tiers de l’apport en sucre chez les enfants britanniques.

Les effets sur la santé sont mesurables

En raison de la taxe sur les boissons sucrées, les fabricants ont considérablement revu la composition de leurs produits. «Alors qu’en 2015, près de 50% des boissons proposées dans les supermarchés contenaient encore plus de cinq grammes de sucre pour 100 millilitres, ce chiffre n’était plus que de 15% en 2019», rapporte le journal télévisé allemand «Tagesschau».

Les effets sur la santé seraient mesurables. Une autre étude de l’université de Cambridge suggère que la taxe sur le sucre a réduit l’obésité de 8% chez les filles de dix et onze ans.

La santé dentaire des enfants s’est également améliorée. Toujours suite à la mise en place de la taxe, le nombre de mineurs admis à l’hôpital pour se faire arracher les dents a diminué de 12% entre 2018 et 2020 en Grande-Bretagne. Cet effet a été particulièrement prononcé chez les enfants de moins de quatre ans.

Selon «table.media», plus de 100 pays prélèvent déjà une taxe sur les boissons rafraîchissantes sucrées. L’OMS recommande quant à elle une taxe sur le sucre d’au moins 20% du prix d’achat.

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