La Poste sans les mains!

Publié le 10 mai 2020
Les adresses manuscrites sur les enveloppes destinées au courrier international sont interdites depuis le début de l’année. Les courriers amoureux ou amicaux doivent dorénavant jouer avec l’électronique. Le géant jaune assure avoir informé le public. Récit d’un bricolage timbré.

Jean-Luc Wenger


Valérie* entretient une très ancienne correspondance postale avec une amie japonaise. Elle collait un joli timbre suisse et écrivait soigneusement l’adresse de sa destinataire à la main. Ça, c’était avant! Depuis janvier 2020, l’Union postale universelle a modifié les conditions d’expédition à l’étranger. Pour le bonheur des entreprises, peut-être, mais au plus grand désarroi de Valérie.

La Poste précise que ce nouveau système répond au doux nom de EAD (pour Electronic Advance Data), soit, dans le jargon, la transmission électronique au pays destinataire des données relatives à l’expéditeur et au destinataire, ainsi que la déclaration du contenu des envois à l’exportation contenant des marchandises. «Les données sont cryptées électroniquement et envoyées par La Poste à l’administration postale du pays de destination, qui les retransmettra aux autorités douanières», précise Nathalie Dérobert Fellay, porte-parole jaune.

La Poste suisse met bien entendu à disposition un programme qui permet de fabriquer soi-même des étiquettes d’adresse. Mais il faut encore trouver ce logiciel, imprimer les données et les coller sur l’enveloppe. Ou alors savoir comment glisser une enveloppe dans l’imprimante. Et évidemment disposer d’un ordinateur et d’un accès au web…
En janvier, au guichet physique de La Poste, la saisie des données avait coûté 3 francs à Valérie, en sus du timbre à 1 franc 70 pour une lettre ne dépassant pas 20 grammes. En avril, elle s’attelle à la confection maison de sa lettre après passablement de recherches sur le site internet de La Poste. Elle imprime un timbre (pardon, un «WebStamp») et l’adresse de son amie sur une feuille A4.

Adresses aux pays des merveilles

Habilement, elle plie ladite feuille pour former une enveloppe, car imprimer directement sur une enveloppe officielle s’avère trop compliqué. Valérie vérifie ensuite que l’enveloppe ne pèse pas davantage que 20 grammes. Patatras, avec ses collages, la lettre pèse maintenant 26 grammes! Elle doit donc payer 1 franc 10 de supplément de timbre et 3 francs pour la saisie des données par le postier de service. Au total, Valérie a payé 5 fr. 80 pour l’envoi de cette lettre au Japon. Mais l’amitié n’a pas de prix. Et elle a compté le temps perdu: quasiment deux heures en tout!
Bon, Valérie n’est pas très à l’aise avec l’Electronic Advance Data. Elle aurait pourtant pu ou dû savoir!

Nathalie Dérobert Fellay assure que La Poste a informé ses clients des changements sur diverses plateformes: par exemple, en mai et novembre 2019, dans le magazine de La Poste qui est distribué à près de deux millions d’exemplaires. Le taux de lecture reste inconnu… Et puis, «en décembre 2019, un dépliant contenant les nouvelles directives a été distribué aux clients dans les offices de poste. En outre, la brochure est disponible dans les filiales avec partenariat (agences postales) avec des informations sur les nouvelles directives pour les envois à l’étranger. Des informations sont également disponibles sur notre site internet», éclaire la porte-parole.

L’information est maintenant bien passée. Il ne faut pas en vouloir à Valérie: elle a parfois un peu de mal à imprimer.

 

* Prénom authentique, pour une fois.


Vigousse 448 (8.5.2020).

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Santé

Le parlement suisse refuse de faire baisser les coûts de la santé

Chaque année, à l’annonce de l’augmentation des primes d’assurance maladie, on nous sert comme argument l’inévitable explosion des coûts de la santé. Or ce n’est pas la santé qui coûte cher, mais la maladie! Pourtant, depuis des années, une large majorité de parlementaires rejette systématiquement toute initiative en lien avec (...)

Corinne Bloch
Sciences & Technologies

Numérique: quand les failles deviennent des menaces

Entre vols de voitures facilités par l’électronique, cyberattaques d’aéroports européens et fuite présumée de données d’état civil en France, trois faits récents rappellent notre dépendance au numérique et les vulnérabilités qu’il crée.

Solange Ghernaouti
Politique

Le déclassement géopolitique de la Suisse est-il irréversible?

Même s’il reste très aléatoire de faire des prévisions, il est légitime de se demander aujourd’hui ce que nos descendants, historiens et citoyens, penseront de nous dans 50 ans. A quoi ressemblera la Suisse dans un demi-siècle? A quoi ressembleront l’Europe, si elle n’a pas été «thermonucléarisée» entre-temps, et le (...)

Georges Martin
Sciences & Technologies

Facture électronique obligatoire: l’UE construit son crédit social chinois

Le 1er janvier 2026, la Belgique deviendra l’un des premiers pays de l’UE à mettre en place l’obligation de facturation électronique imposée à toutes les entreprises privées par la Commission européenne. Il s’agit d’une atteinte majeure aux libertés économiques et au principe de dignité humaine, soutenu par l’autonomie individuelle. Outre (...)

Frédéric Baldan
Accès libre

Superintelligence américaine contre intelligence pratique chinoise

Alors que les États-Unis investissent des centaines de milliards dans une hypothétique superintelligence, la Chine avance pas à pas avec des applications concrètes et bon marché. Deux stratégies opposées qui pourraient décider de la domination mondiale dans l’intelligence artificielle.

Une claque aux Romands… et au journalisme international

Au moment où le Conseil fédéral tente de dissuader les cantons alémaniques d’abandonner l’apprentissage du français au primaire, ces Sages ignorants lancent un signal contraire. Il est prévu, dès 2027, de couper la modeste contribution fédérale de 4 millions à la chaîne internationale TV5Monde qui diffuse des programmes francophones, suisses (...)

Jacques Pilet

Les fantasmes des chefs de guerre suisses

Il arrive que le verrou des non-dits finisse par sauter. Ainsi on apprend au détour d’une longue interview dans la NZZ que le F-35 a été choisi pas tant pour protéger notre ciel que pour aller bombarder des cibles à des centaines, des milliers de kilomètres de la Suisse. En (...)

Jacques Pilet

Quand les PTT ont privatisé leurs services les plus rentables

En 1998, la Confédération séparait en deux les activités des Postes, téléphones et télégraphes. La télécommunication, qui s’annonçait lucrative, était transférée à une société anonyme, Swisscom SA, tandis que le courrier physique, peu à peu délaissé, restait aux mains de l’Etat via La Poste. Il est utile de le savoir (...)

Patrick Morier-Genoud

L’identité numérique, miracle ou mirage?

Le 28 septembre, les Suisses se prononceront à nouveau sur l’identité numérique (e-ID). Cette fois, le Conseil fédéral revient avec une version révisée, baptisée «swiyu», présentée comme une solution étatique garantissant la souveraineté des données. Mais ce projet, déjà bien avancé, suscite des inquiétudes quant à son coût, sa gestion, (...)

Anne Voeffray

Les délires d’Apertus

Cocorico! On aimerait se joindre aux clameurs admiratives qui ont accueilli le système d’intelligence artificielle des hautes écoles fédérales, à la barbe des géants américains et chinois. Mais voilà, ce site ouvert au public il y a peu est catastrophique. Chacun peut le tester. Vous vous amuserez beaucoup. Ou alors (...)

Jacques Pilet
Accès libre

Nos médicaments encore plus chers? La faute à Trump!

En Suisse, les médicaments sont 50 à 100 % plus coûteux que dans le reste de l’Europe. Pourtant, malgré des bénéfices records, les géants suisses de la pharmaceutique font pression sur le Conseil fédéral pour répercuter sur le marché suisse ce qu’ils risquent de perdre aux Etats-Unis en raison des (...)

Christof Leisinger

Tchüss Switzerland?

Pour la troisième fois en 20 ans, le canton de Zurich envisage de repousser au secondaire l’apprentissage du français à l’école. Il n’est pas le seul. De quoi faire trembler la Suisse romande qui y voit une «attaque contre le français» et «la fin de la cohésion nationale». Est-ce vraiment (...)

Corinne Bloch

Jean-Stéphane Bron plaide pour une diplomatie «de rêve»

Plus de vingt ans après «Le Génie helvétique» (2003), puis avec l’implication politique élargie de «Cleveland contre Wall Street» (2010), le réalisateur romand aborde le genre de la série avec une maestria impressionnante. Au cœur de l’actualité, «The Deal» développe une réflexion incarnée, pure de toute idéologie partisane ou flatteuse, (...)

Jean-Louis Kuffer

Un tunnel bizarroïde à 134 millions

Dès le mois prochain, un tunnel au bout du Léman permettra de contourner le hameau des Evouettes mais pas le village du Bouveret, pourtant bien plus peuplé. Un choix qui interroge.

Jacques Pilet

Droits de douane américains: une diplomatie de carnotzet et de youtse

Le déplacement de Karin Keller-Sutter et de Guy Parmelin aux Etats-Unis, pour tenter d’infléchir la décision d’une taxe supplémentaire de 39 % pour les exportations suisses, a été un aller-retour aussi furtif qu’inutile, la honte en rabe. L’image de nos représentants à Washington, l’air perdu, penauds et bafouillants, fixe définitivement (...)

Jamal Reddani

Cachez ces mendiants que je ne saurais voir!

Après une phase que l’on dira «pédagogique», la Ville de Lausanne fait entrer en vigueur la nouvelle loi cantonale sur la mendicité. Celle-ci ne peut désormais avoir lieu que là où elle ne risque pas de déranger la bonne conscience des «braves gens».

Patrick Morier-Genoud