La genèse de Mai 68

Publié le 27 avril 2018
Cette genèse n’a eu lieu ni dans des universités parisiennes ni dans des locaux de groupuscules gauchistes du haut de Belleville mais bien en province et au sein d’une mouvance informelle. Dans les témoignages de cette mouvance radicale, ce qui revient tout le temps, c’est qu’il y avait de nombreuses personnes qui voulaient changer de vie mais qui ne voulaient absolument pas s’embrigader dans des mouvements déjà constitués et que l’influence des situationnistes et leurs critiques des mœurs, de l’aliénation dans la vie quotidienne, de leur «Ne travaillez jamais» fut pour eux fondamentale.

J’avais 20 ans en 1968 mais c’est seulement en 1971 que je rentrais de plain-pied dans toute cette problématique et ceci en lisant d’un coup les douze volumes reliés de la revue de l’Internationale situationniste. D’autres que moi étaient, dans la deuxième partie des années 60, sur le terrain. Cette année, certains d’entre eux ont publié des livres sur leur vécu et je les ai interviewés à ce sujet. Ce qui suit est donc un mélange de leurs vécus, de leurs analyses et de ma propre expérience.

La province

Il y a eu partout, entre autres à Strasbourg, Nantes, Lyon et Bordeaux, à Lausanne ou à Bruxelles même, des individus, des réseaux, des revues et des groupes radicaux dont les positions et les activités ont été largement occultées. Anarchistes non fédérés, communistes libertaires, conseillistes, communistes de gauche, sympathisants d’ultragauche, situationnistes et apparentés, voyous désœuvrés, trimards lyonnais, katangais banlieusards du neuf-trois, chez tous, la révolte grondait.

De 1968 en France, on ne retient en général que des clichés chocs ou chics: les barricades au Quartier latin, les voitures qui brûlent, la pénurie d’essence, les soixante-huitards baba cool et ceux qui ont depuis fait carrière: les Bernard Kouchner et les Serge July. On oublie que Mai 68 n’a été que le point culminant d’un mouvement de révolte des ouvriers et des jeunes qui a débuté bien avant le mois de mai 1968 et s’est prolongé largement au-delà, que ce mouvement a été très actif loin de la capitale française et que les étudiants n’en ont été que la composante la plus visible, tout comme les groupuscules maoïstes et trotskistes.

Oui, aux quatre points cardinaux de l’hexagone, et même au-delà, des espérances chantaient et grondaient, le vieux monde allait enfin finir.

Des tas de choses n...

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