Gore des Alpes: une deuxième vague très attendue

Publié le 25 août 2020
Non, ce n'est pas d'une deuxième vague de coronavirus dont parlent nos amis de Vigousse cette semaine, plutôt de celle des romans qui font peur des excellentes Editions Gore des Alpes.

Stéphane Babey, Vigousse

Alors que la Suisse vit dans la crainte d’une deuxième vague, en voici une qui fait encore bien plus peur, puisqu’il s’agit de celle de l’excellente collection Gore des Alpes, initiée par l’écrivain et humoriste Philippe Battaglia. Après trois volumes publiés il y a un peu moins d’une année, voici la deuxième livraison de ces récits qui mêlent horreur, sang et humour dans un contexte valaisan.
L'Eventreuse
Commençons par L’Eventreuse, signé Stéphanie Glassey, qui adopte un angle historique en s’intéressant aux faiseuses d’anges, indispensables auxiliaires des sages-femmes dans ces vallées reculées où règnent le viol et l’inceste. Mi-guérisseuse mi-sorcière, l’avorteuse est tolérée car elle permet de faire disparaître les traces des exactions des hommes, mais elle risque à tout moment d’être désignée à la vindicte publique et exécutée. Le récit se déroule en 1880. Marie-Ange, excédée par la cruauté et l’hypocrisie des mâles, décide d’ajouter à son rôle d’avorteuse celui de furie vengeresse. Pour chaque jeune fille délivrée de son enfant indésiré, elle traque le responsable pour le faire payer.
Stéphanie Glassey retourne habilement les conventions du genre horrifique. Ici, les monstres sont les humains et leurs pulsions. Ceux qui violent et ceux qui détournent le regard, garantissant ainsi l’impunité aux bourreaux, qui sont le plus souvent des notables. Au passage, l’auteure rappelle un certain nombre de vérités historiques peu reluisantes, comme le placement des enfants pauvres chez les riches propriétaires qui en abusaient selon leur bon plaisir. Et les pratiques obstétriques mêlant subtilités théologiques et superstition, comme l’ondoiement, consistant à baptiser un mort-né à l’intérieur de l’utérus par introduction d’une main trempée dans l’e...

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