Gérald Bronner pour la paix des classes

Publié le 17 février 2023
Gérald Bronner, sociologue et professeur à la Sorbonne, est ce que l’on appelle un «transclasse». Dans son dernier essai, il se livre à la suite de nombreux autres auteurs à l'exercice du récit autobiographique. Sous un angle atypique: il fait remonter très loin la question des origines, et se refuse in fine à devenir instrument ou égérie de la lutte des classes.

Un transclasse, comme son nom l’indique, est une personne qui a changé de classe sociale. On considère en général les enfants de milieux ouvriers et populaires ayant accédé à des professions intellectuelles et/ou très rémunératrices. Ce concept forgé par la philosophe Chantal Jaquet gagne en popularité grâce aux récits et réflexions d’auteurs tels qu’Annie Ernaux (La Honte), Edouard Louis (En finir avec Eddy Bellegueule), le Goncourt Nicolas Mathieu (Connemara), le sociologue Didier Eribon (Retour à Reims) et s’appuie sur les travaux de Pierre Bourdieu. 
Le récit de ce «voyage» est devenu un topos de la sociologie. Fort de sa propre expérience et de ses lectures sur le sujet, Gérald Bronner s’est laissé convaincre d’écrire lui aussi ses réflexions et observations. Son postulat de départ est original: il se demande pourquoi la plupart des autres récits l’ont «autant irrité». Son projet est de questionner plus largement la notion d’origines et la construction du récit personnel.
Dans un premier temps, le sociologue développe une réflexion philosophique. Il note que la recherche de la cause première est une constante des questionnements de l’humanité. Les religions et les traditions spirituelles proposent toutes des récits mythiques dans lesquels un ou plusieurs dieux donnent au monde sa première impulsion. Dans la Genèse: «La terre était informe et vide; il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux.» 
Cette idée d’un élément neutre et plein, l’eau dans la tradition chrétienne, qui sera ensuite informé par une série d’actions extérieures, se retrouve dans notre propre construction personnelle. Intuitivement, parvenus à l’âge adulte, il est courant de s’interroger sur les causes de ce que nous sommes devenus. De chercher...

Ce contenu est réservé aux abonnés

En vous abonnant, vous soutenez un média indépendant, sans publicité ni sponsor, qui refuse les récits simplistes et les oppositions binaires.

Vous accédez à du contenu exclusif :

  • Articles hebdomadaires pour décrypter l’actualité autrement

  • Masterclass approfondies avec des intervenants de haut niveau

  • Conférences en ligne thématiques, en direct ou en replay

  • Séances de questions-réponses avec les invités de nos entretiens

  • Et bien plus encore… 

Déjà abonné ? Se connecter

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Tchüss Switzerland?

Pour la troisième fois en 20 ans, le canton de Zurich envisage de repousser au secondaire l’apprentissage du français à l’école. Il n’est pas le seul. De quoi faire trembler la Suisse romande qui y voit une «attaque contre le français» et «la fin de la cohésion nationale». Est-ce vraiment (...)

Corinne Bloch

Intelligence artificielle: les non-dits

On nous annonce une révolution avec l’arrivée invasive et fulgurante de l’IA dans nos vies, nos modes d’apprentissage et de production et, surtout, la mise à disposition de l’information immédiate et «gratuite» sans effort, objet central ici. Or nous ne mesurons aucunement ce que cela signifie vraiment.

Jamal Reddani

Transidentité: tapage exagéré?

Selon le site d’information lausannois «L’impertinent», l’intérêt démesuré des médias pour la transidentité relèverait d’une stratégie.

Jacques Pilet
Accès libre

Combien de temps l’humanité survivrait-elle si l’on arrêtait de faire des enfants?

Suffit-il de calculer l’espérance de vie maximale d’un humain pour deviner combien de temps mettrait l’humanité à disparaître si l’on arrêtait de se reproduire? Pas si simple répond l’anthropologue américain Michael A. Little.

Bon pour la tête
Accès libre

Salutaires coups de fouet sur l’Europe

L’entrée fracassante de Trump sur la scène mondiale secoue le monde, l’Occident avant tout. Les Européens en particulier. Comment réagiront-ils dans les faits, une fois passés les hauts cris? L’événement et ses suites leur donnent l’occasion de se ressaisir. Pas tant sur l’enjeu militaire, pas aussi décisif qu’on ne le (...)

Jacques Pilet
Accès libre

La machine à milliardaires qu’est le private equity

L’économie mondiale produit une nouvelle génération de super-riches. D’où vient leur argent et qui paie les pots cassés, cela reste flou. L’exemple de Partners Group, qui jongle avec les entreprises et les milliards, laisse perplexe. L’économie réelle n’a que peu de place dans ces activités. La finance fiction est bien (...)

Bon pour la tête

L’embarras de nos enterrements

Mon père aimait les rites. Au bout de 93 ans d’une vie marquée du sceau de la chance, il s’en est allé paisiblement, laissant pour nous éclairer de maigres instructions pour ses funérailles. Fidèles à leur auteur, celles-ci mettaient le rite liturgique au premier plan, et le défunt au second. (...)

David Laufer
Accès libre

Quand le cinéma se fait trans

«Close to You» enregistre la transformation de l’actrice hollywoodienne Ellen Page («Juno») en l’acteur Elliot Page. Après sept ans de silence, le revoici donc dans l’histoire d’un trans canadien qui retourne dans sa famille après une longue absence. Mais malgré cette plus-value d’authenticité, ce petit film indépendant, sensible et bien (...)

Norbert Creutz
Accès libre

40 ans de traitement médiatique du viol: du fait divers au procès de la domination masculine

Parce qu’il met en cause 51 hommes de tous âges et de toutes professions, le procès des viols de Mazan tend à être présenté comme celui de la « domination masculine ». Alors que le viol a longtemps été considéré comme un problème d’ordre privé et individuel, cette interprétation sociologique marque une profonde (...)

Bon pour la tête
Accès libre

Le paysage contrasté de l’énergie vitale. Entre spleens et élans

Tout un pan de l’Europe péclote. La France d’abord, prise de vertige devant ses déficits abyssaux, paralysée par le cirque des ambitions politiciennes. L’Allemagne officiellement entrée en récession, sa légendaire industrie menacée par les coûts de l’énergie, les délocalisations aux Etats-Unis et la concurrence chinoise. Alors que la face sud (...)

Jacques Pilet
Accès libre

Comment le cerveau reconnaît-il les gens?

Entre les super-reconnaisseurs et les personnes incapables de reconnaître un visage, nous ne sommes pas égaux quant à la reconnaissance des visages. Plongeons dans le cerveau pour comprendre ce mécanisme essentiel à notre vie sociale.

Bon pour la tête
Accès libre

Les guerres et nous

Avec quelle désinvolture vivons-nous, pour la plupart, ces jours menaçants. On s’est «habitué» aux conflits sanglants. Mais là, ils n’en finissent pas d’enfler, de s’étendre. Quels sont les ressorts profonds de cette escalade infernale? Les décideurs ont leurs visées. Et les opinions publiques, même fort loin des fronts, pourquoi et (...)

Jacques Pilet

Iran, la révolte des femmes

Avec «Les Graines du figuier sauvage», Mohammad Rasoulof signe un puissant réquisitoire contre le régime des mollahs iranien, en s’inspirant du mouvement des femmes qui avait fait suite au meurtre de la jeune Mahsa Amini par des «gardiens de la révolution». Mélange de frontalité et de subtilité, ce film qui (...)

Norbert Creutz
Accès libre

Au Moyen Age, l’état amoureux était parfois synonyme de maladie

Au Moyen Age, on définissait l’amour de différentes manières. D’un point de vue religieux, dans les textes bibliques et la littérature édifiante, il était synonyme de voluntas, c’est-à-dire de dévouement à l’autre. Mais l’amour était aussi synonyme de passion ou d’eros, conséquence de l’idéalisation de la personne aimée.

Bon pour la tête
Accès libre

Para athlètes: «Inspiration porn» et stéréotypes, le difficile accès aux sponsors

Alors que les Jeux paralympiques de Paris 2024 débutent, tous les athlètes participants n’ont pas bénéficié de sponsors, malgré l’importance cruciale de ce soutien pour s’engager pleinement et sereinement dans leur carrière sportive.

Bon pour la tête

Philip Nitschke: Mr Bunny et le suicide

Le médecin australien Philip Nitschke a conçu un certain nombre de dispositifs pour aider au suicide, parmi lesquelles la capsule Sarco qui a récemment défrayé la chronique. Ceci lui a valu les surnoms de «Docteur Mort» et «Elon Musk du suicide assisté». Vu l’acharnement de Nitschke et le fait que (...)

Boas Erez