Et le lendemain, Paris rit jaune…

Publié le 11 décembre 2018

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Aujourd’hui comme hier, il est évident que personne ne sait bien où il va. – © 2018 Bon pour la tête / Amèle Debey

Depuis un mois, les rues des plus grandes villes de France se transforment en champ de bataille tous les week-ends. Malgré la prise de parole du président Macron lundi soir, le mouvement des «Gilets jaunes» pourrait bien connaître un «Ve acte» samedi prochain, sous l’œil des chaînes d’infos qui ont tendance à alimenter l’escalade de la violence. Nous y étions.

Dimanche 9 décembre. Les touristes se massent sur les Champs-Elysées. Les cliquetis des appareils photo retentissent. Paris est redevenue la plus belle ville du monde. Sur la célèbre avenue, la plupart des boutiques sont ouvertes. Des queues se forment à l’entrée de chez Louis Vuitton. Chaque sac est minutieusement contrôlé. De l’autre côté de la route, Mc Donald’s a engagé cinq armoires à glace pour monter la garde devant son restaurant. Près de l’Arc de triomphe, de la rubalise entoure le drugstore Publicis qui ne s’est pas encore remis des assauts de la semaine précédente. A part ces quelques détails qui passeraient inaperçus aux yeux non-avertis, il ne reste aucune trace des événements de la veille. Aucune trace apparente.

«Aux armes citoyens… ?»

Samedi, le pays était sur le pied de guerre, et en particulier sa capitale. Environ 8000 policiers, gendarmes et CRS ont été déployés dans les rues de la ville, afin de protéger les monuments et les boutiques les plus représentatives de cette masse capitaliste que les manifestants abhorrent. Dans les beaux quartiers, la circulation était à l’arrêt. Des tags provocateurs trônaient sur certains murs, les boutiques étaient barricadées et les habitants retenaient leur souffle en prévision du chaos annoncé. Des scènes de guérilla urbaine se sont tenues entre des agglomérats disparates d’individus en gilets – parfois jaune, plus ou moins vieux, plus ou moins révoltés – et les forces de l’ordre. Scènes surréalistes. Téléphone à la main, tout le monde filmait, prenait des photos des autorités en pleine action, comme si nous étions dans un genre de parcours touristique d’un parc d’attraction.

Les magasins sont les proies privilégiées des casseurs. © 2018 Bon pour la tête / Amèle Debey

Dimanche, la vie semble avoir repris son cours sur le Boulevard Haussmann. On peine à croire qu’hier encore se déroulaient de violents affrontements entre des citoyens révoltés et des représentants du pouvoir public nerveux, qui se demandent certainement parfois s’ils ont bien choisi leur camp. Hier, au même endroit, on pouvait entendre des tirs en continu et apercevoir des amas de fumée dont s’échappaient des nuées de manifestants, comme poursuivis par une force invisible. Pour éviter le corps à corps, les CRS tiraient au Flash-Ball et balançaient des grenades assourdissantes afin de disperser la foule. Des cris d’encouragement se faisaient entendre. Pas de revendication clairement affichée sur des pancartes, comme lors d’autres manifestations. Quelques inscriptions sur des gilets jaunes ici et là, quelques phrases jetées négligemment sur des morceaux de carton, mais personne ne semblait dire précisément la même chose. Comme les précédentes, cette manifestation n’en était pas une. On avait plutôt l’impression d’avoir affaire à une bande de révoltés qui part au front. Hier, les grenades fusaient, le poivre nous attaquait la gorge, les yeux, la peau. Lorsqu’on s’éloignait un peu du lieu des échauffourées, sorte de bulle hors de la loi, hors du temps, une sorte de calme inquiet régnait. Réfugiée dans un restaurant libanais resté ouvert, j’ai rapidement été rattrapée par l’agitation. Des centaines de manifestants, poursuivis par autant de CRS ont défilé. Une vitre caillassée. Des clients affolés. Ce jour-là, les déprédations ont été plus importantes que la semaine d’avant.

Place saint Augustin, aux alentours de 16 heures. © 2018 Bon pour la tête / Amèle Debey

Dimanche, les rues portent encore les stigmates d’une journée d’affrontements. En particulier les magasins. La vitre du Monoprix brisée hier a été recouverte d’une plaque en bois. Elle a été cassée par des jeunes qui ne portaient pas de gilets jaunes. Certains en étaient ressortis les bras chargés de bouteilles d’alcool qu’ils ont ensuite distribuées à la foule. Comme dans une sorte de fresque de vie quotidienne transposée sur un champ de bataille, les plus vieux enguirlandaient les plus jeunes. Ils n’avaient pas l’intention de laisser leur mouvement aux mains des casseurs.

Dans ces confrontations qui opposent citoyens fatigués à autorités épuisées, on constate aisément qu’il n’y aura pas de gagnant. Lorsque le peuple se soulève contre les pions du pouvoir, tout le monde est perdant. Au milieu de ce bordel sans nom, un promeneur passait tranquillement en Vélib’ comme si de rien n’était. Un vieux monsieur slalomait entre les gilets jaunes avec sa canne et refusait de se mettre à l’abri lorsqu’on le lui demandait. Des genres de touristes dans un tableau semi-révolutionnaire. «J’ai rarement vu ça», laissait échapper un homme qui observait la scène, médusé.

Aujourd’hui, comme hier, le ciel est gris. Comme les esprits. Un brouillard épais qui nous aveugle et nous empêche de discerner les contours du chemin. D’un côté, comme de l’autre, il est évident que personne ne sait très bien où il va. 

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