Eloge des réseaux sociaux

Publié le 7 janvier 2022
Les médias traditionnels aiment bien en dire pis que pendre. Accusés de tous les maux, de propager des «fake news», d’enfermer leurs usagers dans leurs dadas, et même de menacer la démocratie. Comme si dans le bon vieux temps les fausses nouvelles n’avaient pas cours, comme si nos petites têtes étaient alors moins cloisonnées… Le temps est venu de faire au contraire l’éloge de ces espaces digitaux foisonnants.

Flash-back. Il y a une vingtaine d’années seulement, toute l’information passait par quelques canaux autorisés, écrits et audiovisuels. Le lecteur, ou l’auditeur, n’avait pas voix au chapitre. Ou alors par quelque lettre publiée au bon vouloir des rédactions. Ces médias ne faisaient pas du mauvais boulot mais en toute tranquillité. Et voilà qu’ils se sont fait bousculer. On comprend le désarroi de bien des rédactions. Chacun aujourd’hui peut prendre la parole. Toutes sortes de nouvelles tribunes se sont ouvertes. C’est une révolution. 

Pour le pire et le meilleur sans doute. Mais regardons-y de plus près. Il est facile, sur Facebook, sur Twitter et d’autres forums, de trier les interventions qui nous arrivent sous le nez. Un clic suffit à bannir les allumés, les casse-pieds, les obsédés, les narcissiques complaisants et les monomaniaques frénétiques. En revanche, en faisant un peu de ménage tout en gardant la fenêtre grande ouverte, quel plaisir de découvrir tant de visions diverses du monde, tant de propos inattendus… Et répondre à chaud à un tweet d’Edgar Morin ou Alain Berset, c’est un petit défoulement qui peut être plaisant, restant décent.

La démocratie? L’an passé a produit une démonstration parlante. Un tiers des votants a dit non à la loi Covid 2. A tort ou à raison, ce n’est pas la question. Le fait est que ce pan de l’opinion allait à rebours des positions dominantes dans tous les médias institutionnels. C’est avant tout grâce à la communication digitale qu’il a pu s’affirmer. Sévère leçon pour le système. Bénéfique au chapitre de la liberté d’expression.

Il est certes fâcheux que les plateformes dominantes soient entre les mains des géants américains qui pillent les ressources fiscales de tous les pays du monde. Certains se rebellent et tentent d’y apporter des corrections. A commencer par l’Union européenne, et la France en particulier, qui commence à frapper les GAFA au porte-monnaie. Pas la Suisse, soit dit en passant, fort arrangeante avec les Google et compagnie. Mais toutes les fenêtres ne sont pas entre leurs mains. Loin de là. A preuve, le site que vous êtes en train de lire. Et tant d’autres, professionnels ou pas, qui tentent de sortir des grands chemins du conformisme, d’élargir l’horizon. 

Que tant de pouvoirs, pas seulement dans les régimes autoritaires, rêvent de domestiquer le grand tohu-bohu digital, au nom de la chasse aux «fake news», c’est de toute évidence une menace sérieuse pour nos libertés. Ce ne sera pas aisé hors des dictatures. Les algorithmes vigilants se plantent trop souvent. Et dès qu’un lieu devient trop encadré, il en surgit un autre. L’exemple de Telegram est frappant. Son fondateur, Pavel Durov a lancé, avec son frère Nikolai, très jeunes, une copie de Facebook en Russie, VKontakte. Qui connut un succès prodigieux. Embarrassant pour le pouvoir qui a fini par contraindre les trublions à vendre leur joujou. Ceux-ci se sont installés à Dubai où ils ont créé Telegram. Avec l’ambition de ne jamais se soumettre à aucun pouvoir. Et la volonté de ne jamais céder leur entreprise. Et pour cause. Leur intransigeance a payé. Elle est devenue une formidable machine à cash. Les Durov sont multimilliardaires. Pas étonnant qu’ils fassent peur à tant de gouvernements.

Et puis il n’y a pas que la politique dans la vie. Qui a la chance d’avoir des amies, des amis parfois dispersés, peut-être à travers le monde, a le bonheur de tomber à l’impromptu sur leurs mots et leurs images, d’échanger quelques clins d’œil à la volée! Mais comment faisions-nous avant pour maintenir ces précieuses mailles? Plaisir aussi de trouver même des inconnus qui balancent souvent de belles photos, des œuvres d’art ignorées, des musiques, des chansons, de réjouissants signes de vie. Combien de surprises, combien de découvertes! Comment ne changeraient-elles pas un peu notre vie qui en était privée autrefois?

Enfin qu’il soit permis à un vieux journaliste de se demander comment il a pu travailler avant l’ère digitale, avant cette merveille qu’est Wikipedia, au secours de nos ignorances et de nos trous de mémoire. Quand il fallait poireauter dans les bibliothèques et les archives en vrac pour trouver les références… Dire qu’aujourd’hui tous les journaux du monde sont accessibles. Savez-vous qu’un bouton, en haut à droite de votre navigateur, permet de faire apparaître tout le site de la NZZ en français? La traduction automatique a connu ces dernières années une progression spectaculaire. Notamment grâce au logiciel conçu en Allemagne, Deepl.com. qui permet de jongler entre vingt-six langues. 

Dans ce métier, tout faire sur écran n’est certes pas une bonne recette. Mais ne pas explorer toutes ses ressources, sans préjugés, c’est une force. Et nul besoin d’être du métier pour laisser cavaler notre curiosité.

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