Clément Rosset dans mes souvenirs

Publié le 30 mars 2018

Clément Rosset était d'un naturel plutôt timide, solitaire et difficile à apprivoiser, sauf devant une bonne bouteille: il pouvait parler des vins comme un œnologue. Nous nous retrouvions souvent, en compagnie de Michel Polac qui fut sans doute son ami le plus proche, dans un restaurant napolitain, Le Petit Tiberio, où le patron nous faisait goûter des bouteilles qu'il avait apportées lui-même de vignes proches du Vésuve. J'ai rarement vu Clément aussi euphorique. Il parlait souvent avec nostalgie des vins du Lavaux. Se joignaient parfois à nous Pierre-Emmanuel Dauzat, Frédéric Pajak et Frédéric Schiffter, sans oublier le cinéaste Jean-Charles Fitoussi. Tous nous nous sentions proches de Cioran (lire chronique ci-dessous) et, plus lointainement, de Schopenhauer, celui que nous nommions «Le Patron». Il était peu question de philosophie, sinon pour éclaircir nos affinités avec le non-sens. C'est lors d'une de ces soirées bien arrosées que l'ami Rosset offrit à Schiffter une préface à son premier livre: Sur le blabla et le chichi des philosophes, ce qui me permit de l'éditer aux Presses Universitaires de France (PUF) avec l'approbation ironique de Michel Prigent qui dirigeait alors d'une main de fer cette prestigieuse maison d'édition.
C'est d'ailleurs aux PUF que, quarante ans plutôt, je m'étais d'emblée lié avec Clément Rosset: il venait de publier son premier livre: La philosophie tragique (1961) d'inspiration schopenhauerienne qui lui avait valu une chronique élogieuse dans les colonnes du Monde de Jean Lacroix qui avait été son professeur en khâgne (seconde année de classe préparatoire au concours d'entrée à l'École normale supérieure, section littéraire, ndlr)L'insolence de Clément Rosset me ravissait: il était ainsi parvenu à obtenir, sous pseudonyme, la possibilité...

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