Cioran exilé à Paris: une correspondance inédite
La supériorité des régimes dictatoriaux sur les démocraties, c’est qu’ils prennent la littérature au sérieux. Non seulement chaque citoyen est fliqué, mais chaque lettre d’un écrivain est répertoriée et conservée. C’est ainsi qu’on découvre progressivement la correspondance de Cioran dans les archives de la Securitate, à Bucarest. Elles datent, ces lettres, de la période au cours de laquelle Cioran décide de quitter la Roumanie et s’installe à Paris. L’hystérie totalitaire à laquelle il a succombé n’est plus que le cauchemar d’un prophète dément en voie de guérison. Il s’approprie l’art de la distance ironique et les vertus du désenchantement.
Les lettres que publie la NRF (mars 2018), outre leur intérêt historique, frappent par leur génie littéraire et leur sens de la formule si aiguisée. Ainsi, à son ami Tuera demeuré en Roumanie, il dit certes que celui qui admire la France sans aucune nuance de mépris est un naïf ridicule, mais aussi qu’à Paris «chaque servante a La Rochefoucauld dans le sang» et qu’un épicier vous méprisera s’il découvre chez vous une quelconque illusion. La France, écrit-il encore, pour quelqu’un comme moi qui fus si peu contaminé par le romantisme allemand, par la musique et la métaphysique, m’apparaît comme un pays qui vit par des formules vides, mais qui met de la grâce en tout. Non seulement, cela ne l’exaspère jamais, mais cela lui donne une sensation de liberté infinie. Certes, la guerre approche, mais qu’importe: la France n’a rien à opposer à la force, mais elle dispose...
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