Ces meurtres de femmes qui n’ont heureusement pas été commis

Publié le 19 juin 2020
Le nombre de féminicides en France renseigne-t-il sur la ténacité de la domination masculine systémique ou montre-t-il, plus sûrement, la nature pathologique de certaines relations? Sans nier les drames vécus par de trop nombreuses femmes, est-il possible de dépassionner le débat public et le discours officiel au sujet des violences sexistes? Pour l’instant, c’est la vision d’un massacre programmé des femmes qui s’impose.

C’est à se demander si l’art de lire l’avenir dans le marc de café n’est pas une compétence requise pour occuper le poste de Secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes… Marlène Schiappa, dont c’est la fonction officielle en France, n’a cessé, depuis le début de la crise sanitaire, de multiplier les preuves de son don pour prédire une recrudescence des violences à l’encontre des femmes pendant le confinement, mais aussi après, autant dire jour après jour et quelles que soient les circonstances. Les faits sont toutefois têtus, ce qui devrait nous réjouir car ils démontrent, au contraire, une baisse des «féminicides» et des plaintes déposées (de l’ordre de 20% au tribunal de grande instance de Pontoise) contre un conjoint violent au cours des mois d’avril et de mai.
Interpréter les chiffres
 A ceux qui y verraient une piètre qualité de la voyance ministérielle, il convient de rappeler qu’après tout il ne s’agit pas d’une science exacte, plutôt d’interprétation. Ainsi, Madame la Ministre a su habilement faire dire aux chiffres ce qu'elle souhaitait entendre: certes, il y a eu moins d’appels vers le 3919, numéro d’écoute national destiné aux femmes-victimes de violences, mais ce serait probablement parce que téléphoner tout en étant confinée avec une brute incontrôlable n’a rien d’évident. De surcroît, comme a bien voulu nous éclairer Marlène Schiappa, la peur de la contamination aurait retenu nombre de femmes d’aller porter plainte. Entre la peste et le choléra, les femmes auraient donc choisi le risque de recevoir un coup venant d’un compagnon violent plutôt que de contracter la Covid-19. Par chance, celles qui étaient obligées, pour des motifs professionnels, d’emprunter les rues désertes ont eu le réflexe de  constater que le sexe faible devait...

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