Agressée, une prof est renvoyée puis interdite d’enseigner

Publié le 8 avril 2019
Violemment prise à partie par des élèves d’un cycle lors d’un remplacement, une enseignante se voit renvoyée de l’établissement et révoquée du Département de l'Instruction Publique au sein duquel elle exerçait. Ses torts: «son émotivité» suite au choc subi lors de l’agression et son statut d’artiste queer et de militante LGBTQI+, une activité jugée trop visible sur les réseaux sociaux et qui contreviendrait aux «responsabilités d’éducation et d’instruction» auxquelles est soumis le corps enseignant.

Mabrouk Hosni Ibn Aleya

Cette situation, Jeanne* la traverse dans l’incompréhension la plus sidérale: incapable d’exercer sa profession, elle paie à la fois le prix de son agression et celui de son engagement artistique et associatif. Un cas de figure qui souligne la précarité du statut de remplaçante sur fond d’arbitraire et de violence misogyne. Le tout dans une institution où la promotion de l’égalité entre les genres relève pourtant des fonctions prioritaires.

«Sale grosse p***! »
L’histoire se déroule à Genève, dans un cycle d’orientation réputé parmi les plus sensibles, au sein duquel Jeanne* est assignée pour remplacer une professeure de français partie en burn out, ainsi que son remplaçant excédé. «J’étais dans la classe à attendre mes élèves quand, soudainement, la porte s’ouvre en claquant pour laisser retentir sale grosse p***!». Jeanne poursuit: «Je me précipite pour appréhender les auteurs de l’insulte. Arrivée dans le couloir, des commentaires hostiles à mon allure queer fusent, accompagnés d’une nuée de crachats sur le dos... ». La doyenne de l’établissement, qui passait inopinément par là, insiste devant les élèves de Jeanne pour la décharger du cours. «Je pensais qu’elle avait été appelée pour m’épauler suite à mon agression», explique cette dernière. Ce n’était pas le cas. «Sans savoir ce que je venais d’endurer et malgré mes efforts de self control, on me sape le peu d’autorité qu’il me restait auprès des étudiants, c’est là que les larmes me sont montées aux yeux». Aucun surveillant ne se trouvant sur les lieux au moment des faits. Les agresseurs n’ont pu être identifiés. «A la fin de la journée, je suis restée 30 minutes à attendre que l’établissement se vide, de peur de croiser les assaillants en rentrant chez moi», ajoute Jeanne, sous le coup...

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