Quand la sexualité est présentée de manière désolante, intéressante ou drolatique

Publié le 25 juin 2021
La sodomie passive synonyme de libération sexuelle pour les femmes – mais pas pour les hommes. Un vibromasseur conçu par des femmes et pour les femmes – il ne ressemble pas à un pénis. Rajeunir de douze ans en jouissant – pourquoi ne pas jouir juste pour le plaisir?

Le sexe est un sujet récurent, il se dit et s’écrit beaucoup de choses sur la question. C’est de temps en temps intéressant mais la plupart du temps c’est désolant, et parfois tellement désolant que cela en devient drôle. Vous voulez des exemples?

Désolant

«Sodomie: 9 raisons qui expliquent que les femmes qui pratiquent le sexe anal ont plus d’orgasmes», titre Grazia, «le magazine féminin qui inspire et divertit, décode l’actu et les tendances». La plupart des magazines féminins sont les burqas soft des femmes occidentales, entièrement au service des marchands de produits censés les rendre plus belles, plus minces, mieux habillées… bref, plus consommables.

Mais revenons à la sexualité anale vantée par Grazia. «Non seulement la sodomie en elle-même peut complètement mener à l’orgasme, mais tout le processus psychologique qui en découle peut amener à un libération sexuelle qui va faciliter les orgasmes via toutes les autres pratiques. Autrement dit: la science nous assure que si nous nous libérons sexuellement au point d’accepter et même de profiter de la sodomie, le reste sera nettement plus facile. Et nous, on dit rarement non à un orgasme…», écrit benoîtement le magazine. Se libérer sexuellement, pour une femme, passerait donc par l’offrande de son anus au sexe des hommes (Grazia, dans cet article, parle uniquement de sexualité hétérosexuelle).


La sodomie vue par Blanche Gardin…

Ce qui est désolant, ici, c’est d’enfermer la libération sexuelle dans des normes. Alors que chacune et chacun devrait pouvoir se libérer… librement, avec ou sans sodomie.

Surtout qu’en la matière il règne un paradoxe très peu libérateur: alors que l’anus des hommes est en tous points semblable à celui des femmes, seules ces dernières et les hommes réputés «féminins» sont censés prendre du plaisir lorsqu’on pénètre le leur. Et même si on parle de temps en temps de plaisir prostatique – oui, ça existe, ce n’est pas une légende! – les hommes hétérosexuels restent majoritairement traumatisés par l’idée de se faire pénétrer.

Intéressant

«Marie Comacle, révélatrice de puissance féminine», titre Femmes de Bretagne. Marie Comacle est une jeune ingénieure qui vient de mettre au point Coco, un vibromasseur conçu par des femmes pour les femmes, avec pour but de «détabouiser la masturbation féminine».

«En silicone médical, Coco est conçu et présenté comme un bijou dans son écrin. Elégant, doux au toucher, l’accessoire possède de nombreuses fonctionnalités permettant aux femmes de se donner mille plaisirs.»   

Ce qui est très intéressant, c’est que ce vibromasseur ne ressemble pas du tout à un sexe masculin. Pas de veines saillantes, pas de gland fièrement décalloté, pas de testicules bien pleins, pas de bandaison arrogante. Visiblement, quand Marie Comacle et ses amies veulent se donner du plaisir, ce n’est pas avec un substitut de pénis.

Coco est muni d’une partie qui aspire le clitoris et d’une autre qui peut pénétrer le vagin, avec un variateur de vitesses pour l’une et l’autre partie (plus de détails).


Coco, un vibromasseur ni phallique ni phallocrate.

Une campagne de financement participatif a permis à la jeune entrepreneuse de pré-vendre 2599 vibromasseurs, ce qui l’encourage à imaginer «la gamme qu’elle pourrait développer en faisant évoluer ce premier accessoire».

Voilà qui ressemble plus à un acte de libération de la sexualité féminine que la sodomie vantée par Grazia.

«Engagée et militante au service de la liberté féminine de disposer de son corps, Marie Comacle a choisi d’associer son entreprise à une cause juste. En effet, à chaque vente d’accessoire, Puissante (sa société, ndlr.)  reverse 1€ à l’association Les Orchidées Rouges, qui lutte contre l’excision, le mariage précoce et le mariage forcé.»

Drôle

«L’activité sexuelle permet de paraître plus jeune de 12 ans», se réjouit Futura Santé. C’est ce que promettrait le neuropsychologue britannique David Weeks. «Trois rapports sexuels par semaine permettent de gagner 7 à 12 ans en apparence…»

Choser pour rajeunir? Pourquoi pas… Ce n’est pas plus bête que la chirurgie esthétique ou les crèmes anti-âge, et c’est moins coûteux. Si vraiment on ressent le besoin de paraître plus jeune, s’envoyer en l’air n’est peut-être pas plus efficace que les milles produits et méthodes proposés aux crédules névrosés par leur finitude, mais c’est sans doute plus agréable.

De là à imaginer que plutôt qu’au scrabble, c’est à de belles partouzes que vont passer leur temps les pensionnaires des homes pour personnes âgées, il n’y a qu’un pas qu’une imagination un peu coquine s’empresse de faire.     

Cela dit, rappelons qu’il n’est pas besoin de prétexte pour pratiquer le sexe entre adultes consentants. Qu’on peut le faire, vieux ou jeunes, tout simplement parce que c’est bon. Youpi!


Un dessin de Marcel Vidoudez (1900-1968). © Association Marcel Vidoudez Edition-Galerie HumuS

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