50 nuances du Coronavirus ou tout ce que vous avez voulu savoir sur le sexe à l’ère de la pandémie sans jamais oser le demander

Publié le 4 avril 2020
Le réel avec ses risques et ses contraintes, ses sécrétions corporelles et ses violences conjugales ne nous tente plus. Victime la moins pleurée du Coronavirus, il nous oblige néanmoins à réinventer nos relations sociales et sentimentales avant le passage vers le tout virtuel.

Un ami délicieux, le philosophe Luc-Olivier d’Algange a opportunément rappelé à ma mémoire les poètes de la revue Le Grand Jeu, Roger Gilbert Lecomte et René Daumal, lesquels par quelque artifice d’imagination, se donnaient des rendez-vous dans les rues de Paris sans quitter leur lit. Confinés chacun de son côté, moi avec le Covid-19, mon ami cher avec un problème oculaire, nous avons décidé d’appliquer leur méthode pour nous retrouver dans un café agrémenté d’une belle terrasse avec vue sur les Invalides. S’il s’agit là d’une version sublimée à l’extrême du virtuel, les premières semaines d’un confinement quasi planétaire semblent s’accorder sur un point: le réel est mort et enterré. C’est peut-être même la victime la moins pleurée du Coronavirus.

Constat exagéré? Jetons plutôt un coup d’œil sur les faits: les infirmières et les médecins à bras le corps avec une catastrophe sanitaire sans précédent se font acclamer chaque soir par les Français sur leurs balcons. Ces mêmes professionnels dévoués et vénérés, trouvent sur les portes de leurs appartements les injonctions à déménager déposées par leurs voisins. De loin, la pandémie nous a réunis dans l’effroi et dans la volonté de sauver le maximum de vies. De fait, la vie avec les risques qu’elle comporte de contamination, de souffrances, de violences, de déceptions, et de mort pour finir, n’a jamais été aussi dépréciée et rejetée. Certes nous voudrions toujours vivre, travailler, nous aimer et nous envoyer en l’air, mais de grâce! que cela ne menace pas notre sécurité, notre intégrité corporelle, ou notre bien-être tout simplement.

A circonstances extrêmes, solution radicale: il ne nous reste qu’à déménager collectivement dans un monde parallèle! La vie y est plus douce et l’air moins pollué. Pour ce faire, pas besoin non plus d’une verve poétique très inspirée. Mark Zuckerberg et les mystérieux propriétaires de la plateforme Pornhube qui diffuse des vidéos pornographiques en streaming, ont eu la délicatesse d’anticiper les désarrois de tous les terre-à-terre, sinon des corps-à-corps, soudain contraints de composer avec l’imaginaire. Les amitiés, les amours, la séduction, les relations et les rapports, s’incarnent désormais à distance, dans un cadre imposé mais gratuit depuis peu. Il suffit de cocher la case de majorité d’âge requise. Il n’y a pas à hésiter!

Le nombre de divorces dû au confinement explose avec la même force révolutionnaire que la fréquentation des sites pornographiques et des réseaux sociaux. Le visionnage de films porno est en hausse mondiale de 11%, en France cette augmentation dépasse 38%, en Espagne 60%. En parallèle, l’accroissement des violences conjugales de 30% en une semaine à peine, crée un malaise. Le couple, qu’il soit envisagé durable ou éphémère, pour la vie ou pour une heure, gagne à demeurer conceptuel. Ainsi, à l’heure du changement de paradigme, l’erreur la plus courante consiste à fantasmer sur le confinement avec un partenaire, qu’il soit de préférence autre que le légitime est un autre sujet.

«Etes-vous confinée seule?» est devenu une nouvelle approche en vogue des lovelaces virtuels, dont il convient de saluer la rapidité d’adaptation, mais condamner sans réserve l’espoir, même faible, d’engager une liaison qui connaîtrait un prolongement dans de vrais draps sentant bon l’assouplissant. Il n’en est pas autrement en ce qui concerne les desseins des plus audacieux parmi nous: achats compulsifs de fouets, cravaches, menottes en moumoute rose et autres bandeaux en satin, relèvent des passions de jadis. L’avenir appartient aux prévoyants qui investissent dans des gadgets érotiques interconnectés. Les traditionnalistes ne devraient toutefois pas désespérer. Comme le suggèrent les animateurs du site libertin Wyylde: «on touche, mais avec les yeux».

Les conséquences du Coronavirus sur nos pratiques sexuelles méritent une analyse à part. Mais les prémices ne trompent pas : évitant le partage des postillons, la levrette serait devenue, à ce qu’il paraît, la position favorite des Français. Les adeptes des sports extrêmes signalent quant à eux, qu’il serait de mauvais goût de continuer à cracher sur son partenaire, tout comme de commander un costume d’infirmière pour stimuler un jeu érotique.

Pas certain dans ces conditions que 50 nuances de Gray se maintienne au sommet des ventes. Des ajustements s’imposent, la législation devrait les suivre. Nos pensées vont à Benjamin Griveaux, malheureux candidat à la mairie de Paris, compromis par un scandale de sextapes qui l’ont montré aux yeux du monde en train de se masturber devant la caméra de son téléphone portable. A l’heure actuelle il semblerait juste de considérer cet homme comme un avant-gardiste incompris, en avance de quelques semaines sur son époque. Et pour nous épargner une déferlante d’affaires du même acabit, la chute du gouvernement- qui sait, il y a urgence à voter des lois allant clairement dans le sens de la défense des pratiques sexuelles responsables.

Que les romantiques et les raffinés se sentent toutefois rassurés: si on ne s’embrasse plus, rien ne nous empêche de l’imaginer avec une passion toute neuve. Pour le reste, suivons l’indication des amants éconduits d’autrefois qui, à l’instar de mon ami proche, pouvaient dire dans un soupir mélancolique de la femme qu’ils n’avaient pas réussi à séduire: «Je la fréquente d’une régulière imagination».

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Le sexe au cinéma: un siècle d’échecs

L’histoire du cinéma témoigne qu’il est souvent plus efficace de suggérer les rapports érotiques entre protagonistes plutôt que de les montrer crûment. D’autant qu’ils n’apportent souvent rien à la compréhension du scénario ni à la profondeur des personnages. Moins on en fait, plus on en dit.

David Laufer

Masculin et féminin: on n’en a pas fini avec les stupidités

C’est le spermatozoïde le plus rapide, le plus fort et le plus malin qui féconde l’ovule, essaie-t-on de nous faire croire. Ainsi, certaines positions sexuelles favoriseraient les mâles rapides, d’autres les femelles résistantes. C’est bien sûr beaucoup plus subtil que ça, plus intelligent. La vie n’est pas une course.

Patrick Morier-Genoud

Jouir, oui, mais de quoi?

Le marché des sextoys, comme celui de l’intelligence artificielle, est en pleine expansion. Alors que les machines réussissent mieux que nous certaines choses, faut-il s’en inquiéter ou se dire que faillir peut être un plaisir?

Patrick Morier-Genoud

La sexualité masculine se cantonne-t-elle au pénis?

Dans sa dernière parution, le magazine «Sexualités humaines» présente comment les hommes abordent et vivent une sexualité hétéronormée. Il est question de consentement, de désir et d’amour, mais aussi de zones érogènes, et l’on se rend compte que beaucoup d’hommes ont tendance à n’en considérer qu’une, je vous laisse deviner (...)

Patrick Morier-Genoud

Y’a-t-il quelque chose de mieux que le sexe?

Pour le joueur de football Zlatan Ibrahimović, la réponse est «non!»; pourquoi alors la masturbation est-elle toujours taboue au sein des couples? Sinon, certains animaux semblent peu apprécier les humains et leurs activités, et ils le leur font savoir, notamment en ce qui concerne des productions cinématographiques. Et puis, il (...)

Patrick Morier-Genoud

Les vacances de Prune sont perturbées de diverses manières

Les tragi-comiques péripéties de la famille Schinken Pochon ///// Découragées par l’accueil inamical de certaines populations européennes, elle et son amante Ambre ont décidé de passer la fin de la pause estivale en Suisse. Et d’utiliser les transports publics, ce qui avive le désir sexuel d’Ambre qui, par ailleurs, regarde (...)

Patrick Morier-Genoud
Accès libre

Simon-Pierre aime voir les athlètes dans leurs tenues moulantes

Les tragi-comiques péripéties de la famille Schinken Pochon ///// Il trouve que l’été est formidable! Les Jeux olympiques sont pour lui une célébration des valeurs viriles de la civilisation blanche et chrétienne qu’il chérit. En plus, tout se passe visiblement bien dans le sauna de Kevin, le chef des White (...)

Patrick Morier-Genoud

Moins de sexe au cinéma: et si c’était une bonne nouvelle?

Aujourd’hui, près de 46% des longs-métrages ne comportent aucun contenu sexuel contre 18% il y a 24 ans, et près de la moitié des 13-24 ans estime que le sexe n’est pas nécessaire dans les films. Et si, plutôt que de déplorer une victoire des nouveaux et des anciens moralismes, (...)

Patrick Morier-Genoud

Inquiète pour l’avenir, Prune milite pour la Fesse Populaire

Les tragi-comiques péripéties de la famille Schinken Pochon ///// Les succès électoraux du Rassemblement National français dépriment Prune et son amante. Les lits «anti-sexe» du village olympique des prochains JO aussi. Mais entre elles, le désir est toujours de mise, au grand dam de Nadège. Pour la grève féministe du (...)

Patrick Morier-Genoud

La vitalité sexuelle de Prune n’est pas en décroissance

Les tragi-comiques péripéties de la famille Schinken Pochon ///// Après avoir quitté son amant agriculteur, elle s’épanouit dans les bras d’Ambre, avec laquelle elle participe à des orgies pour célébrer la pleine lune. Elle souhaite vivre intensément et ne s’intéresse pas aux rentes AVS. Pour Prune, le monde semble se (...)

Patrick Morier-Genoud

Le couscous calme la douleur de Jacques-André qui retrouve de l’assurance

Les tragi-comiques péripéties de la famille Schinken Pochon ///// Une conseillère fédérale socialiste est contre la 13ème rente AVS, un conseiller aux Etats, également du PS, est pour… Jacques-André se sent tiraillé entre plusieurs tendances politiques. Il ne sait pas non plus que penser de la révolte des paysans français (...)

Patrick Morier-Genoud

En matière de sexe, dans la nature la norme c’est la diversité

Femelles se reproduisant sans mâle, crapauds obsédés sexuels, girafes gays, mouettes bisexuelles, oiseaux draguant en offrant des fleurs, bonobos exhibitionnistes… L’excellent livre «Bêtes de sexe, la diversité amoureuse des humains et des autres animaux» de Marc Giraud et Annabelle Pongratz, qui vient de paraître aux Editions Delachaux et Niestlé, est (...)

Patrick Morier-Genoud
Accès libre

Contrats de vaccination: et les clauses de responsabilité?

Des milliards ont été dépensés de manière opaque pour conclure les contrats d’achat des doses de vaccin anti-Covid. Les sommes exactes sont tenues secrètes, mais pas seulement: l’exonération de responsabilité des groupes pharmaceutiques est aussi l’objet d’un silence pesant.

Bon pour la tête

Vous reprendrez bien un peu de sexe?

C’est la période des Fêtes, on est tous gavés de dinde, de bûche de Noël, de foie gras, de champagne et de pinard, de conversations bien ennuyeuses et de musiques mièvres. Mais côté sexe, qu’en est-il? Voilà une sélection tout à fait subjective de quelques sujets sexuels trouvés dans les (...)

Patrick Morier-Genoud

Christophe Bier, toujours fidèle à ses obsessions

Ecrivain, réalisateur, acteur, éditeur, Christophe Bier a une connaissance intime du mauvais genre, que ce soit au cinéma, dans la littérature ou les arts graphiques. Chroniqueur pour la radio France Culture, il publie un deuxième volume de ses «Obsessions», cent trente-deux chroniques insolentes et iconoclastes, cent trente-deux pieds de nez (...)

Patrick Morier-Genoud

Les espèces envahissantes préoccupent peu Prune

Les tragi-comiques péripéties de la famille Schinken Pochon ///// Son nouvel amant agriculteur lui donne beaucoup de plaisir, même si parfois les moustiques sont de la partie. Elle aimerait cependant bien qu’il devienne végane mais n’insiste pas trop. Serait-elle en train de mûrir? Ce n’est pas ce qu’indiquent ses idées (...)

Patrick Morier-Genoud