La célébration du débarquement: une manipulation historique

On ne répétera jamais assez que c’est d’abord en Russie que s’est fracassé le projet hitlérien. Au prix de sacrifices inouïs: entre 8 et 12 millions de morts militaires, entre 13 et 16 millions de morts civils. 16% de la population a disparu dans la tragédie. A titre de comparaison, sans enlever quoi que ce soit à leur héroïsme, les troupes américaines ont perdu au total 418’000 hommes. Que le président russe n’ait pas été invité à l’anniversaire du débarquement de Normandie est une insulte à son peuple dont le prix payé dépasse l’imaginable.
Et pourquoi donc n’a-t-on pas célébré d’autres tournants aussi décisifs de la Seconde guerre mondiale? A commencer par le débarquement de Sicile, en juillet 1943. Une opération extrêmement difficile pour les Alliés, menée par 160’000 hommes britanniques, américains et canadiens. Conduite par surprise grâce à une intox réussie qui poussa les Allemands à se préparer à un assaut du côté de la Sardaigne et de la Grèce. Elle s’est poursuivie par la campagne du sud de l’Italie, marquée par la bataille de Monte Cassino, le verrou allemand dans la botte, de janvier à mai 1944. Là, ce sont principalement les troupes françaises qui ont payé le prix fort. Ou plus précisément, les troupes coloniales, tunisiennes, algériennes, marocaines dont même le général Kesselring, défendeur de la place, reconnut l’efficacité et la bravoure. Il fallut des bombardements intensifs pendant des mois, plusieurs assauts d’artillerie et d’infanterie pour venir à bout de cette forteresse à mi-chemin entre Naples et Rome. Dans la phase finale, c’est l’armée de l’ouest polonaise du général Anders, avec ses 50’000 hommes, qui l’emporta, le 18 mai 1944. Un haut fait entré dans la légende en Pologne, totalement ignoré en Europe, en cette année du 75 anniversaire. Que l’actuel gouvernement italien ait la mémoire courte, on ne s’en étonnera pas: Salvini et consorts sont des nostalgiques cachés de l’Italie fasciste. Que la France n’ait pas ravivé ce souvenir, c’est moins compréhensible. L’occasion eut été belle d’exprimer de la reconnaissance à la fois aux vaillants soldats nord-africains et à l’armée polonaise pour le coup décisif porté à l’Allemagne nazie.
Mais voilà, il est tellement plus simple de passer en boucle l’image d’un grossier président américain aux côtés d’une vieille reine distinguée.
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