A peine achetés, vos ordinateurs sont-ils déjà infectés?

Publié le 23 mai 2019

Windows, dont la dixième version est très critiquée, est le système d’exploitation créé par Microsoft. – © Flickr

Dans une société de plus en plus «virtualisée», savoir utiliser un ordinateur est presque devenu une question de survie. Comme lorsqu’il s’agit de changer une roue, faire un ourlet, ou pratiquer un massage cardiaque, devrait-on s’assurer de disposer des connaissances de base plutôt que de confier nos problèmes aux spécialistes… pas toujours indifférents au profit?

L’informatique est un domaine pour le moins complexe face auquel le commun des mortels est souvent démuni. Si les cours sur le sujet sont de plus en plus pointus et prodigués de plus en plus tôt, il subsiste tout de même une bonne partie de la population qui n’a d’autre moyen que de courir au magasin lorsque son ordinateur rencontre un quelconque problème. Une solution onéreuse à laquelle on pourrait aisément se soustraire, si on en croit le constat de Christophe Gianotti.
Passionné d’informatique depuis 1995, cet Yverdonnois de 48 ans a passé un quart de siècle dans la vente de matériel informatique, chez Migros puis Interdiscount. Il y a sept ans, il a monté son entreprise de maintenance baptisée Plug-In Solutions, en bâtissant sa clientèle grâce à la fidélité de ses anciens habitués, ainsi qu’au bouche à oreille. Fort de ses nombreuses années d’expérience pratique, Christophe Gianotti a observé, depuis quelque temps, plusieurs incohérences dans le fonctionnement de Windows, ainsi que dans la prise en charge des problèmes, qui n’est pas toujours appropriée.

BPLT: Vous avez constaté que les programmes installés sur les PC de Windows au moment de leur conception pouvaient être nuisibles?

C.G: Oui. Il y a tout d’abord les logiciels publicitaires qui sponsorisent l’ordinateur. Ça, ça n’est pas un problème, ça se fait partout. Ce qui n’est pas logique, ni correct, c’est que certains logiciels publicitaires – pas tous – peuvent infecter ces PC flambant neufs. Mais également d’autres programmes, qui ne sont pas publicitaires. Je pense notamment à des programmes d’essai à 30 jours ou plus, Norton par exemple. L’utilisateur, ne sachant pas si le programme l’intéresse, est obligé de l’activer, ce qui va déployer des infections dans l’ordinateur en arrière-tâche, sans que ce soit mentionné d’une façon ou d’une autre, ni sans que ce soit perceptible tout de suite.

Quel genre de dégâts ces infections peuvent-elles causer?

Le terme infection englobe les virus et les fichiers espions. Ici, il ne s’agit pas de virus, mais bien de spywares qui peuvent, dans certains cas, affaiblir l’ordinateur jusqu’à donner à une tierce personne accès à la webcam ou à d’autres éléments de la machine. C’est tout de même assez rare, avouons-le. Dans les cas les plus fréquents, les infections ralentissent l’ordinateur, occupent de l’espace sur le disque et ont un effet parasite.

Comment vous en êtes-vous rendu compte?

C’est subtil, dans le sens où il y en a ni trop, ni trop peu. Suffisamment pour que ça génère assez vite une obstruction de la mémoire ou de la vélocité de l’ordinateur, au bout de quelques mois. Je me suis rendu compte de ces infections en utilisant des logiciels de désinfection, comme RogueKiller ou AdwCleaner (entre autres). Quelle que soit la marque, quel que soit le prix, les ordinateurs avaient tous entre dix et cinquante infections.

Qui serait responsable de ces infections et quel en serait le but?

A mon avis, c’est un ensemble de personnes. D’une part, certainement le constructeur, en association avec des concepteurs de logiciels. Une connivence de près ou de loin entre ces deux organismes. Pourquoi mettre ça sur ces ordinateurs? Je ne vois qu’une explication: c’est de faire fatiguer ou de rendre l’ordinateur moins performant plus rapidement qu’il ne le serait sans ça. Ce qui a pour conséquence de nombreux retours aux magasins. Vu que, pour le vendeur au comptoir, il ne s’agit pas d’un défaut de fabrication, la garantie n’entre pas en ligne de compte et la réparation est payante. On imagine bien les masses d’argent que cela peut générer…

Est-ce qu’il y a toujours eu autant d’infections dans les PC?

A mon avis, non. Cela a dû commencer entre 2003 et 2007. Je l’ai constaté de manière progressive. Je ne peux pas dire que ça n’existait pas avant, mais c’était minime. Pourquoi? Tout simplement parce que les ordinateurs sont de moins en moins chers et que c’est sans doute une manière de compenser la différence avec les prix de l’époque.

Quels cas sont-ils donc pris en compte par la garantie?

Le terme est sujet à confusion dans l’esprit des gens. Quand on parle de garantie, on a tendance à penser que ça couvre tout. Non. La garantie ne couvre que les défauts de fabrication. Après, il peut y avoir des compléments de garantie, c’est souvent le cas aujourd’hui, il y en a même presque trop. Vous achetez un téléphone muni de la garantie de base et le vendeur vous propose, moyennant 15 à 20 CHF, de vous couvrir contre la casse, le vol et les dégâts tiers. Malheureusement, ça ne pousse pas les gens à prendre soin de leur matériel et ça conduit à un processus de sur-sur-consommation.

Ces infections ne touchent-elles que les PC, ou les Mac sont-ils également concernés?

Ce sont deux univers différents. Leur seul point commun c’est d’avoir un clavier et un écran. Mais leur façon de fonctionner est sans comparaison. Sur les Mac, il y a peu d’infections possibles. Le système Apple n’est pas sensible aux infections auxquelles les PC sont vulnérables.

Qu’en est-il des mises à jour?

A la base, les mises à jour du système Windows sont censées stabiliser et améliorer le système dans son ensemble, voire corriger des bugs. Après l’installation de ces mises à jour, on se rend compte que trois fois sur cinq, l’ordinateur est beaucoup plus lent à démarrer. Parfois, il ne démarre même pas du tout. Heureusement, c’est assez rare. Dans un troisième cas: l’ordinateur redémarre, en apparence tout va bien, mais à un moment donné, alors qu’on essaie d’exécuter un programme qu’on avait l’habitude d’utiliser, un message d’erreur apparaît.  Seulement, les gens ne font pas le rapprochement, mais neuf fois sur dix c’est à cause de ces mises à jour. Ces dernières contiennent une quantité impressionnante de miniprogrammes qui vont directement être injectés dans le système. A partir de là, si on part du principe qu’un système fonctionnant correctement se retrouve envahi par des dizaines de mises à jour, quoi de plus normal que cela puisse le perturber? Voire le planter? Cela crée des conflits entre programmes ou entre drivers matériels… bref, une vraie cascade de dominos aux conséquences aléatoires.

Depuis que Windows existe, on nous lave le cerveau avec le fait que ces mises à jour sont super importantes, vitales et qu’on aura des problèmes si on ne le fait pas. Ce qui n’est absolument pas le cas!

Quant aux mises à jour logicielles?

Elles peuvent être nécessaires, mais pas toujours. Si vous avez un programme qui fonctionne bien et qu’on vous propose une mise à jour, posez-vous la question suivante: qu’est-ce que cette update peut m’apporter de mieux que ce qui fonctionne déjà bien maintenant? Est-ce que j’ai déjà eu un problème avec ce programme? Si la réponse est non, ne faites pas la mise à jour. Je n’ai pas de problème, je ne fais pas de mise à jour. Je ne suis pas malade, je ne prends pas de médicaments.

Mais nous ne sommes pas toujours conscients des améliorations contenues dans les mises à jour. Si on prend l’exemple des applications sur iPhone, certaines d’entre elles sont utiles.

C’est une question d’appréciation. Encore faut-il que les améliorations aient un sens et qu’elles apportent une plus-value. Parce que s’il s’agit juste d’une amélioration de design, de mettre l’icône à droite plutôt qu’à gauche… Ce qui pousse les gens à faire ces mises à jour c’est de se dire «ah, mais c’est certainement mieux, je vais le faire». Mais ils n’en ont absolument aucune idée! C’est la loterie.

Pensez-vous que tout cela découle vraiment d’actes volontaires, ou s’agit-il simplement d’un manque de connaissances face à la technologie?

Dans le meilleur des cas, les fabricants sont de bonne foi, mettent des programmes sans savoir que cela peut créer des incidences. Dans le pire des cas, ils le font en toute connaissance de cause.

Auriez-vous des conseils pour les utilisateurs amateurs ?

Il faudrait avoir des cours d’informatique sur des bases sérieuses de manière globale. Ça va de l’utilisation du clavier/souris au surf sur internet, à l’identification des pages qui peuvent générer de la pollution et comment la contrer. Il faudrait que les gens aient un aperçu des bases de l’informatique, qu’ils soient conscients des risques qui apparaissent de plus en plus nombreux aujourd’hui et des possibilités croissantes du Net, comme de l’étendue des arnaques par e-mails. Il faut bien se dire que tout ce qu’on pense impossible est possible. Comme on n’est jamais assez prudents sur la route, on ne l’est jamais non plus sur internet.

Contacté, le porte-parole de Microsoft pour la Suisse a réfuté cette version: «Honnêtement, je ne comprends pas les déclarations de votre interlocuteur. Nous livrons le système d’exploitation aux fabricants d’appareils.  Je rejette catégoriquement l’allégation selon laquelle il contient des logiciels publicitaires, des logiciels espions ou d’autres logiciels malveillants. Les mises à jour du système d’exploitation sont importantes, en particulier pour la sécurité.»

Pourtant, la firme de Bill Gates a récemment reconnu que certaines mises à jour avaient fait planter des PC.

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