Clito, le doudou

Publié le 20 mai 2019
Non, le sérieux n'est pas toujours là où l'on croit. Cette chronique d'Anna Lietti paraît tous les mois dans 24heures. Excepté le dessin de Pascal Parrone, en exclusivité pour Bon pour la tête.

Clitoris. Ça vous fait un drôle d’effet de voir le mot livré comme ça, tout nu, sans préliminaires, aux yeux du lecteur de passage? Eh bien il va falloir vous y habituer.

Non seulement à voir le mot, mais la chose. Après avoir croupi plusieurs siècles dans les caves sombres et humides du déni collectif, le clitoris – tadaaaa! – s’avance sur la scène pédagogico-médiatique en habit de lumière. Les planches d’anatomie sont mises à jour, les dessinatrices se lâchent sur les réseaux sociaux (exemple conseillé: «Check ta chatte» d’Emma). Une créatrice d’accessoires propose même sur le web un clitoris en peluche – Cloti le doudou –, disponible en différents imprimés coton et présenté comme le cadeau idéal pour «votre cheffe», «votre filleul» ou «votre belle-mère». C’est vrai ça: les fleurs, c’est périssable. Les bonbons, ça fait grossir. Le clitoris, c’est le plaisir durable.

Et à quoi ressemble-t-il, le précieux organe reconquis? Eh bien, dans le but d’expliquer comment une si petite chose peut faire un effet si intergalactique, on le représente désormais dans son entier: non seulement avec sa partie émergée, le gland, mais également sa partie interne, la racine et les bulbes. Ça donne quelque chose comme un micro pénis flanqué d’une double paire de couilles géantes. En clignant des yeux, je vois un albatros aux amygdales hypetrophiées. Ou un pingouin très en jambes.

Sur le principe, j’applaudis des deux mains la mise en lumière du clitoris. Pensez: le seul organe exclusivement dédié au plaisir! Pas étonnant que les hommes, morts de jalousie, se soient acharnés à en nier l’existence. Mais sa représentation maousse et non conforme à notre expérience visuelle me laisse perplexe.

Je pense aux enfants, qui, grâce à leur cours d’éducation sexuelle, se seront familiarisés avec l’image géante de l’albatros couillu. Le jour où, quelques années plus tard, ils passeront aux travaux pratiques, ils risquent d’avoir besoin d’un GPS pour trouver le micro oiseau rare. Pire: de se sentir trompés sur la marchandise.

Quant au coup du doudou, je ris triste. On domestique, on banalise; on désexualise. Je n’offrirai pas de doudou Clito à mon filleul. Je ne veux pas le voir manipuler distraitement l’objet de la main gauche pendant que sa main droite plonge dans un paquet de chips. Je ne veux pas l’entendre dire: «Passe-moi le clito que je cale mon ordi».

Le clitoris, c’est magique. Un peu de respect, c’est bon pour la magie.    

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