Vigousse a dix ans: les raisons du succès

Publié le 5 avril 2019
Aujourd’hui, l’hebdomadaire satirique romand publie son 400e exemplaire, comme un avant-goût à la célébration de ses dix ans d’existence. Comment ce projet auquel personne ne croyait est-il parvenu à s’installer parmi les références du genre dans un paysage médiatique moribond? Nous nous sommes demandé quelles sont les clés du succès de «Vigousse», parce qu’on ne serait pas contre un double!

© Pitch

«Je suis complètement fou et il faut être complètement fou pour réussir ce journal. D’ailleurs, il faut être fou pour réussir quoi que ce soit dans la vie». C’est en ces mots que Thierry Barrigue, fondateur de l’hebdomadaire romand, résume l’élan qui l’a poussé à fonder Vigousse en 2009, après avoir glissé sa plume dans de nombreuses rédactions, en France d’abord, en Suisse ensuite. Soixante-huitard baigné dans la culture Hara-Kiri et Charlie Hebdo, dont il a longtemps côtoyé les figures, Barrigue est parvenu à exporter son espièglerie et son excentricité caustique jusqu’en terres romandes, malgré le scepticisme général.

«Quand on est dessinateur de presse, on n’est pas pris au sérieux, regrette l’homme à la pipe. J’aurais aimé que le métier m’encourage, qu’il me soutienne, mais cela n’a pas été le cas. L’intelligentsia journalistique – dont l’Hebdo – n’y a pas cru, alors qu’on travaille pour la même cause. On râle sur les gros éditeurs, mais les journalistes sont tout aussi responsables de leur sort».

«Homme de presse» depuis son plus jeune âge, Thierry Barrigue se targue d’avoir su ressentir l’actualité, d’en avoir la mémoire et la passion. «Vigousse s’est fait sur mon nom, ce qui nous a permis de fédérer 3000 abonnés dès le départ, explique-t-il, pour donner une raison à ce succès qui ne faiblit pas. Et puis nous sommes parvenus à bâtir une équipe sur la même longueur d’ondes».

Nouveau visage

Cette équipe, composée de six rédacteurs salariés et d’une quinzaine de dessinateurs pigistes, s’emploie chaque semaine à répondre à une demande précise de ses quelque 6000 abonnés en attente d’une offre journalistique différente. «On est dans une niche, il y a peu de concurrence, commente Barrigue, et puis on a des collaborateurs de talent». A la tête de ces derniers, Stéphane Babey, rédacteur en chef, se félicite également du chemin parcouru: «Quand on voit l’état de la presse, c’est une belle réussite d’avoir accompli ça en indépendants. On peut être fiers de nous.»

Outre l’originalité de l’offre et le talent de ses auteurs, Stéphane Babey explique la longévité du titre par un désir perpétuel de renouvellement. De nouvelles rubriques sont régulièrement introduites, trois nouveaux dessinateurs ont rejoint les rangs dernièrement et le visage de Vigousse devrait changer dans le courant de l’année. Afin de pouvoir être plus à l’aise financièrement, le petit groupe a augmenté les tarifs de ses abonnements (de 140 CHF à 160 CHF) il y a deux ans. Mais, si cette opération a été une réussite dans les grandes lignes, elle n’a pas résolu tous les problèmes, puisqu’il a fallu gérer des annulations ainsi que bon nombre d’imprévus, comme c’est souvent le cas.

Après dix ans, Vigousse est donc toujours debout, mais son équipe sait qu’il est interdit de relâcher ses efforts. «On a prévu quelques petites choses un peu spéciales pour ce 400e numéro, nous confie Stéphane Babey, mais rien de trop gros, car on voulait plus mettre l’accent sur nos dix ans qui seront retracés dans une exposition à la fin de l’année. On organisera également une grande fête avec des humoristes à Neuchâtel, en principe en novembre.»

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