La Bibliothèque de Dimitri n’est pas que celle du grand passeur

Publié le 4 avril 2019
A l’enseigne des Éditions Noir sur Blanc paraissent les deux premiers volumes de la série de rééditions slaves et «étrangères» de L’Âge d’Homme. Le grand éditeur y eût-il vu une captation indésirable, voire une trahison? La démarche généreuse de Vera Michalski illustre au contraire la devise du passeur, «on continue!» et lui fait honneur autant qu’à celles et ceux qui l’ont secondé ou soutenu…

La bibliothèque de Dimitri? Mais je l’ai sous la main! Rien qu’à la tendre je pêche tel ou tel livre fétiche de mes jeunes années, que ce soit un des dix-huit volumes à couleur safran des Œuvres de Cingria rassemblées par mon vieil ami Pierre-Olivier Walzer et la cantatrice Gisèle Peyron fan folle de Charles-Albert, ou Feuilles tombées de Vassily Rozanov dont un soir, dans la maison sous les arbres de Vennes, au coin de sa bibliothèque à lui, Dimitri me dit que c’était un livre «fait pour moi»; ou la nouvelle traduction (par Luba Jurgenson) de l’adorable Oblomov d’Ivan Gontcharov avec lequel il fait bon cosser au coin du feu; ou le génial Kotik Letaev d’Andrei Biély qui sonde les abîmes de la première enfance en poète-psychologue un peu toqué; ou le pavé bleu tendre de L’Ange exilé de Thomas Wolfe qui a enchanté la jeunesse yougoslave de Vladimir; ou les douze volumes du Journal intime d’Amiel qui a piqué la première curiosité du Dimitri de vingt ans débarquant dans une librairie de Neuchâtel, ou encore L’Inassouvissement de Stanislaw Ignacy Witkiewicz qui fut, avec Cingria, son contraire en tout, l’un des dieux littéraires de notre jeunesse – j’en passe et des milliers d’autres titres publiés par L’Âge d’Homme qui m’ont accompagné cinquante ans durant, avec une tendresse particulière pour le petit recueil d’entretiens que nous avons publié de concert chez un concurrent (horreur et délices!) du nom de Pierre-Marcel Favre, en 1986, sous le titre ô combien juste et précis de Personne déplacée, incluant une suite de libres propos sous cet autre titre redoutable de Carnets du barbare… 
Les fondateur sont des tyrans irremplaçables 
En écoutant Vladimir Dimitrijevic me raconter sa vie de Tsigane toujours errant mais en pantoufles ces soirs-là, dont il me reste vingt-cinq c...

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