Parent 1, parent 2

La France s’est dotée d’une nouvelle loi scolaire. Le débat fut animé et les propositions d’amendement innombrables. L’une d’elles a fait le buzz: elle prévoyait de remplacer, dans les documents administratifs, les termes «père» et «mère» par «parent 1» et «parent 2». Vous voyez l’idée: papa-maman, c’est ringard. Que faites-vous des familles à double maman, double papa, maman seule et pas abandonnée du tout, ma-pas fluides et pa-mas en transition? Foin de «cases figées», vive la nouvelle diversité familiale.
Et que fait-on pour lui rendre justice dans la joyeuse infinité de ses nuances? On anonymise, on dépersonnalise, on uniformise le vocabulaire. Le paradoxe n’a pas échappé aux opposants à l’amendement issus de la Manif pour tous: «Parent 1 et parent2», c’est «absolument déshumanisant», ont-ils plaidé.
La réaction des cathos était prévisible. Plus surprenant: certains progressistes ont ferraillé contre l’amendement avec tout autant de vigueur. «Parent 1 et parent 2», ça ne va pas du tout, a dit l’Association des familles homoparentales. Et pourquoi cette fois? Parce que ça introduit une «hiérarchie» entre les partenaires.
Ben oui: cette numérotation, ça sent le podium à plein nez. Comme s’il y avait -vade retro!- un parent principal et un parent secondaire. Et d’ailleurs, qui sera le «parent 1» et qui le «parent 2»? Quels critères pour décider?
Il aurait bien deux ou trois bricoles d’ordre biologique, du genre: celui qui a donné son sperme (à la mère porteuse), celle qui a porté l’enfant. Mais précisément, cette asymétrie heurte le souci d’égalité de nombreux couples de même sexe, qui déploient toutes sortes de stratégies pour brouiller les pistes: on mélange le sperme des deux papas avant la fécondation in vitro, on féconde deux ovules avec chacun un sperme différent pour obtenir des «jumeaux croisés». On implante chez «maman A» l’ovocyte fécondé de «maman B». Ou alors, simplement: on sait qui est le parent biologique mais c’est secret défense. Dans certaines familles, l’enfant lui-même n’a pas le droit de savoir. Dans une enquête suédoise, j’ai trouvé un couple de femmes qui refusait de dire à sa fille laquelle des deux l’avait portée.
L’amendement «Parent 1 et parent2» a été abandonné. Le rêve d’égalité absolue, lui, continuera à générer son lot de délires. Et pas seulement dans les couples de même sexe. C’est embêtant à dire, mais on est différents. Ça complique. Sauf que l’égalité sans la différence, c’est juste la paix des clones.
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