La Suisse avance à l’aveugle dans son destin

Publié le 19 décembre 2018

L’UE tient mieux la mer dans la tempête mondiale que des petits pays isolés. – © DR

Quel silence soudain sur l’enlisement, pour ne pas dire l’euthanasie, de l’accord-cadre entre la Suisse et l’Union européenne. Flegme? Fuite? Inconscience? Les représentants du Conseil fédéral ont négocié et signé cette entente à Bruxelles mais le gouvernement ne la défend pas. Il l’envoie promener dans un vague débat – et non pas une consultation formelle - qui doit durer trois mois. L’UDC qui n’en veut pas est rejointe de fait par les radicaux, les démocrates-chrétiens, les verts et, ô surprise, par la majorité des socialistes. Autant dire que le texte finira à la poubelle. Et après? Mystère et boule de gomme.

Le revirement spectaculaire de la gauche a deux raisons. La première est électorale: le PS craint perdre des voix dans son propre camp en défendant l’ancrage européen. Ce n’est pas glorieux. Reste à espérer que ceux de ses membres qui ne perdent pas le nord reprennent le dessus.

La seconde explication est liée à la réaction courroucée des syndicats qui dénoncent «un démantèlement de la protection des salariés».
A y regarder de près, ces grands mots sont hors de propos. L’accord stipule expressément que sera appliqué le principe adopté cette année par l’UE du salaire égal entre travailleurs détachés et résidents. Quelques modalités techniques font encore grincer. Le délai d’annonce qui passe de huit à quatre jours et l’exigence d’une caution préalable réservée aux entreprises qui ont fraudé. Qui peut croire qu’il y a là de quoi faire capoter un accord aussi large?
Les syndicalistes suisses, au lieu de s’allier avec leurs collègues européens, restent enfermés dans leur méfiance. Pourtant les choses bougent.

Personne n’a mentionné que la protection face aux abus vient d’être renforcée pour les camionneurs. Les chauffeurs étrangers qui font du cabotage devront être payés au tarif local. Et en prime, pour leur repos, les patrons devront leur payer l’hôtel plutôt que de les laisser dans leurs camions sur les aires d’autoroute comme c’est ce le cas aujourd’hui. En Suisse aussi.

La crainte des salariés suisses est bien réelle. La concurrence d’une main-d’œuvre étrangère souple, souvent bien formée, a de quoi...

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