Une jeunesse soviétique

Publié le 6 décembre 2018

© XENIX

Même ignoré au palmarès, «Leto» du Russe Kirill Serebrennikov pourrait bien être LA révélation du dernier Festival de Cannes. Sous couvert de biopic d'un chanteur rock, le remuant homme de théâtre et cinéaste honni par Vladimir Poutine y brosse un tableau renversant de l'avant-Perestroïka.

Il n’aura pas pu accompagner Leto à Cannes, assigné à résidence qu’il est depuis de nébuleuses accusations de détournement de fonds publics qui ne trompent personne: revendiquer une liberté d’expression et de création en Russie quand on est ouvertement homosexuel et critique envers le régime peut coûter cher. Mais son film parle pour lui. Avec ce huitième long-métrage, le premier distribué chez nous après une affirmation progressive sur le circuit festivalier, Kirill Serebrennikov rejoint Alexandre Zviaguintzev (Leviathan, Faute d’amour) au firmament du cinéma russe, celui qui ose dire les choses telles qu’elles sont avec l’inspiration formelle qu’exige le grand art.

Qui s’attendrait à assister – comme répercuté à la ronde – à un simple biopic musical pourrait être déçu. Il est certes question de Victor Tsoï, vedette punk-rock trop tôt disparue. Mais plutôt que ses années de gloire en pleine Perestroïka et sa mort accidentelle peu après la chute du rideau de fer, Serebrennikov a choisi d’évoquer ses débuts, en 1981, encore sous l’immobilisme soviétique de Brejnev. Et encore, c’est le mot «évocation» qu’il convient de retenir, à travers le prisme d’un triangle amoureux centré sur Natasha, l’épouse de Mike Naumenko, un aîné qui avait pris Tsoï sous son aile. C’est en effet via les mémoires de cette unique survivante du trio que le cinéaste (né en 1969) est parti à la reconquête de ces rockers disparus. Il a bien fait, son film débordant de désir autant que de frustrations, d’amour que de colère, pour finir sur une...

Ce contenu est réservé aux abonnés

En vous abonnant, vous soutenez un média indépendant, sans publicité ni sponsor, qui refuse les récits simplistes et les oppositions binaires.

Vous accédez à du contenu exclusif :

  • Articles hebdomadaires pour décrypter l’actualité autrement

  • Masterclass approfondies avec des intervenants de haut niveau

  • Conférences en ligne thématiques, en direct ou en replay

  • Séances de questions-réponses avec les invités de nos entretiens

  • Et bien plus encore… 

Déjà abonné ? Se connecter

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Culture

A Iquitos avec Claudia Cardinale

On peut l’admirer dans «Il était une fois dans l’Ouest». On peut la trouver sublime dans le «Guépard». Mais pour moi Claudia Cardinale, décédée le 23 septembre, restera toujours attachée à la ville péruvienne où j’ai assisté, par hasard et assis près d’elle, à la présentation du film «Fitzcarraldo».

Guy Mettan
Culture

Quand notre culture revendique le «populaire de qualité»

Du club FipFop aux mémorables albums à vignettes des firmes chocolatières NPCK, ou à ceux des éditions Silva, en passant par les pages culturelles des hebdos de la grande distribution, une forme de culture assez typiquement suisse a marqué la deuxième décennie du XXe siècle et jusque dans la relance (...)

Jean-Louis Kuffer
Culture

Locarno à l’heure anglaise: de belles retrouvailles

La rétrospective «Great Expectations – Le cinéma britannique de l’après-guerre (1945-1960)» du 78e Festival de Locarno n’a pas déçu. Dans un contexte de réadaptation à une économie de paix, le caractère britannique y révèle ses qualités et faiblesses entre comédies grinçantes et récits criminels. Grands cinéastes et petits maîtres ont (...)

Norbert Creutz
Culture

Jean-Stéphane Bron plaide pour une diplomatie «de rêve»

Plus de vingt ans après «Le Génie helvétique» (2003), puis avec l’implication politique élargie de «Cleveland contre Wall Street» (2010), le réalisateur romand aborde le genre de la série avec une maestria impressionnante. Au cœur de l’actualité, «The Deal» développe une réflexion incarnée, pure de toute idéologie partisane ou flatteuse, (...)

Jean-Louis Kuffer
Culture

Le sexe au cinéma: un siècle d’échecs

L’histoire du cinéma témoigne qu’il est souvent plus efficace de suggérer les rapports érotiques entre protagonistes plutôt que de les montrer crûment. D’autant qu’ils n’apportent souvent rien à la compréhension du scénario ni à la profondeur des personnages. Moins on en fait, plus on en dit.

David Laufer
Culture

Des Nymphéas au smartphone

Premier film de Cédric Klapisch présenté à Cannes en 35 ans de carrière, «La Venue de l’avenir» ne marque pas tant un saut qualitatif que la somme d’une œuvre à la fois populaire et exigeante. En faisant dialoguer deux époques, la nôtre et la fin du 19e siècle des impressionnistes, (...)

Norbert Creutz
CultureAccès libre

Jean-Louis Porchet ou la passion créatrice

Le Lausannois et producteur de films est décédé à 76 ans. Il laisse derrière lui, outre de nombreux films renommés, le souvenir d’un homme audacieux et passionné dont la force de conviction venait à bout de tous les défis. Un exemple inspirant pour la culture suisse.

Jacques Pilet
Culture

Passer le flambeau de l’insoumission

Documentaire primé au dernier Festival de Soleure, «Autour du feu» de Laura Cazador et Amanda Cortés, réunit les anciens membres de la dite «Bande à Fasel» et des jeunes militantes anticapitalistes d’aujourd’hui pour comparer leurs idées et leurs expériences. Au-delà de son dispositif minimaliste, un film qui pose des questions (...)

Norbert Creutz
Culture

Quand la lettre et l’esprit de grands livres sont magnifiés sur les écrans

Deux chefs-d’œuvre de la littérature contemporaine, «Expiation» d’Ian McEwan, et «Cent ans de solitude» de Gabriel Garcia Marquez, passent au grand et au petit écran avec un rare bonheur. L’occasion de se poser quelques questions sur les transits souvent hasardeux des adaptations de toute sorte…

Jean-Louis Kuffer
Culture

Notre inavouable nostalgie du sacré

Des films et des séries à gros budget ont récemment mis en scène et dramatisé des institutions qui, dans un passé encore proche, étaient entourées d’un sacre absolu, comme la papauté ou la monarchie anglaise. Ils masquent mal notre nostalgie collective.

David Laufer
Culture

Leni Riefenstahl, mise au point

Son simple nom suscite des réactions épidermiques chez les uns mais ne dira sans doute plus rien aux autres. D’où l’intérêt de ce «Leni Riefenstahl – la lumière et les ombres», documentaire exemplaire signé Andres Veiel, qui récapitule à travers un magnifique travail sur archives le parcours de «la cinéaste (...)

Norbert Creutz
Culture

En quête d’un terroriste suisse

Le documentaire «La Disparition de Bruno Bréguet» du Tessinois Olmo Cerri tire de l’oubli une figure un peu gênante de notre histoire récente. D’une jeunesse à Locarno aux geôles israéliennes et du terrorisme international dans la nébuleuse Carlos à une mystérieuse disparition en Grèce, la dérive de Bréguet pose la (...)

Norbert Creutz
Culture

Et pourtant…

Avant-première à Lausanne. «Monsieur Aznavour» a su réunir jeunes et vieux. La salle est pleine. L’émotion grandit dans l’attente de la projection. Et puis le film commence. A la fin, échange avec l’équipe du film, fort sympathique au demeurant. Biopic à la hauteur? Certainement pas. Et pourtant, pourtant… Critique et (...)

Loris Salvatore Musumeci
CultureAccès libre

Quand le cinéma se fait trans

«Close to You» enregistre la transformation de l’actrice hollywoodienne Ellen Page («Juno») en l’acteur Elliot Page. Après sept ans de silence, le revoici donc dans l’histoire d’un trans canadien qui retourne dans sa famille après une longue absence. Mais malgré cette plus-value d’authenticité, ce petit film indépendant, sensible et bien (...)

Norbert Creutz
CultureAccès libre

Un clown peut en cacher un autre

Film d’une noirceur radicale, «Joker – Folie à deux» anime les conversations cinéphiles depuis sa sortie. En déjouant toutes les attentes après son brillant «Joker» de 2019, Lion d’Or surprise à Venise, Todd Phillips a frappé fort. Jamais sans doute film hollywoodien n’était allé aussi loin dans la déconstruction du (...)

Norbert Creutz
Culture

«Emmanuelle» 2024, le désir en question

Réinterprétation plutôt que remake, l’«Emmanuelle» d’Audrey Diwan avec Noémie Merlant surfe sur le vague souvenir du film-phénomène d’il y a 50 ans. Entre porno soft et discours féministe, ce film réimaginé à Hong Kong plutôt qu’en Thaïlande n’est pas sans intérêt. Mais son exploration d’un désir féminin enfin délivré du (...)

Norbert Creutz