Halte à la discrimination des jeunes!

Publié le 27 juin 2017
Parce que tout ne va pas de mal en pis, verticalement. Mais qu'horizontalement, ça rigole et ça pleure, parfois simultanément.

Je résume. Dans un premier temps, Exit n’aidait à mourir que des personnes atteintes d’une maladie incurable. Puis, elle a inclus ceux qui souffrent de  «polypathologies invalidantes». A la mi-juin, l’association d’aide au suicide a décidé de plancher sur le projet d’étendre ses services aux  «fatigués de la vie».

A tous les fatigués? Non, seulement aux vieux. Et les jeunes, alors? Et les désespérés dans la force de l’âge? Je m’insurge contre cette discrimination qui leur est faite. Si le critère d’accès à la potion létale est simplement d’être lucide et de vouloir mourir, je ne vois pas pourquoi on nierait aux jeunes le droit à une mort propre,en les acculant à des issues indignes (et salissantes) comme sauter du balcon ou se jeter sous un train.

Blagues à part. La fatigue de vivre n’attend pas le nombre des années. Mais lorsqu’un quadra dit qu’il veut mourir, on se mobilise pour lui donner envie d’exister. Lorsque c’est un vieux, il faudrait  «respecter sa décision». Je ne vois qu’une explication à cette différence: la vie d’un vieux vaut moins que celle d’un jeune.

Parlons valeur. Un psychiatre me raconte comment il se démène pour soustraire une de ses patientes au compte à rebours d’Exit. Il a réussi à lui faire changer d’avis une fois, mais il craint le pire. Ce n’est bien sûr pas à Exit de s’employer à donner des raisons de vivre à cette femme, dit le médecin. En revanche, il est de son devoir de s’assurer que tout a été tenté pour cela. Par exemple, en passant un coup de fil à son psychiatre, ce que l’association n’a pas fait.

«Ça ne vaut pas la peine»

La dame est en santé, elle a toute sa tête, mais elle est maladivement anxieuse et physiquement fragilisée. On peut adapter l’environnement, embaucher quelqu’un pour les déplacements, plaide le médecin des âmes. Et que répond cette fatiguée de la vie? «Ça ne vaut pas la peine». L’argent, elle l’a. Mais elle est rongée par l’idée de grignoter le capital qu’elle va laisser à ses enfants. 

 «Ça ne vaut pas la peine»: le souci de ne pas coûter est un leitmotiv dans la bouche des personnes âgées, note le psychiatre. Elles ont raison, en un sens: elles sont si nombreuses. Si elles débarrassent le plancher, tout le monde y gagne. L’AVS, les caisses de retraite, le système de santé, leurs enfants et même le service des impôts (sur les successions). Je ne dis pas que ces entités ou les familles souhaitent la mort des vieux. Je dis que l’extension du suicide assisté répond à une logique économique puissante.

Je ne dis pas non plus que tous les fatigués de la vie meurent pour économiser. Je dis que lorsqu’une personne âgée et fragilisée soupire «ça ne vaut pas la peine», l’aider à suicider revient à lui répondre: en effet, à votre âge, VOUS ne valez plus la peine que l’on pourrait se donner pour vous encourager à vivre. 

Les jeunes, c’est autre chose, hein. Mais j’y pense: si on économise sur l’AVS, on pourra renforcer la prévention du suicide chez ceux qui en valent la peine. Bingo.


Cette chronique paraît tous les samedis dans 24 heures. Reprise le 26 août après la pause estivale.


Sur le même thème: L’aide au suicide, entre compassion, sortie en douceur et business… par JLK

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