J’embrasse pas

© Pascal Parrone / BPLT 2020
Haut les cœurs! Le grand méchant virus qui nous pompe l’air depuis quelques semaines présente au moins deux avantages. D’abord, il offre une occasion inespérée de voir Venise sans touristes. Surtout: il met un frein à la propagation de cette calamité sociale qu’est la bise généralisée.
Une calamité, oui. Lorsque j’en parle autour de moi, tout le monde approuve: on n’en peut plus, on est allés trop loin, y’a plus de plaisir. Embrasser ceux qu’on aime, c’est bien, c’est doux, c’est primordial. Mais smacker à la chaîne des joues de gens que l’on connaît à peine, ça vire à la corvée creuse.
C’est pourtant bien à ce stade de propagation du baiser social que nous sommes arrivés, insidieusement, au fil des ans, entrainés par l’implacable logique de la coolitude. Je viens d’embrasser telle collègue au long cours? J’embrasse aussi la nouvelle venue pour ne pas être suspectée d’intentions hiérarchisantes. J’ai passé une soirée dans le même espace qu’un ami d’amis avec qui j’ai échangé une demi-phrase et dont je n’ai pas retenu le nom? A l’heure du départ, je l’embrasse – allez, un de plus, un de moins – pour ne pas risquer d’être perçue comme hautaine. Mon vieux copain Jo me présente sa nouvelle femme? Vite, une bise d’emblée à cette parfaite inconnue: vu que j’embrasse son homme, je me dois d’aplanir d’urgence cette asymétrie louche (ici, à l’injonction de coolitude vient s’ajouter le pacte de non-agression). C’est ce que j’appelle la bise par alliance.
En écrivant cela,...
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