Vaudoiseries

Publié le 25 janvier 2020
On aime bien rire, pas seulement en Suisse allemande, des genevoiseries. Et si l’on parlait des vaudoiseries? La quasi certaine élection au Conseil d’Etat de la syndique de Payerne en est une. Christelle Luisier (PLR) a soutenu jusqu’au bout le projet le plus foireux de l’histoire aéronautique qui a coûté plusieurs millions aux contribuables vaudois. Elle est soutenue par tous les partis gouvernementaux et les médias, qui donnent bien peu la parole aux impertinents qui osent se présenter. Une histoire qui en dit long sur les moeurs politiques helvétiques.

Ceux qui se partagent le gâteau du pouvoir n’aiment guère les trublions. Depuis l’ère du tandem Broulis-Maillard (dit Malice et Brouillard), c’est devenu une habitude en pays de Vaud. Le départ de Jacqueline de Quattro à Berne devait se régler en un seul coup de cuillère à pot. Le manitou Broulis espérait la remplacer tacitement au gouvernement par sa protégée payernoise qui, entre parenthèses, a été réélue de cette manière à la tête de sa commune. Mais voilà que 3 outsiders se présentent. La jeune Verte tirée au sort, Juliette Vernier, l’inconnu Jean-Marc Vandel du Parti des pirates et l’entrepreneur lausannois, Toto Morand, du Parti de rien. Mais chut! Ne parlons pas d’eux, ils dérangent la table des grands. 
Les socialistes? Ils soutiennent de facto la candidate PLR. Certains d’entre eux avaient leur table au gala de soutien de la syndique de Payerne en quête de fonds pour sa mini-campagne. L’UDC? Elle applaudit aussi. Il était piquant d’entendre l’autre jour à la télé un de ses députés défendre la politique radicale des forfaits fiscaux, ces avantages réservés aux riches à condition qu’ils soient étrangers!
Et s’il vous plaît, ne parlez plus, ce serait déplacé, de la débâcle du projet S3 du mégalomane Pascal Jaussi qui rêvait de faire décoller des touristes vers l’espace à partir de Payerne. Sa société aujourd’hui en faillite, Swiss Space Holding, a été portée à bout de bras pendant des années par la syndique Luisier, les conseillers d’Etat PLR Leuba et Broulis, grand ami du parrain de l’affaire, l’industriel Philippe Petitpierre. 
Il y a, heureusement pour la démocratie, d’autres candidatures. Dont une qui fait le poids. Toto Morand se présente pour la troisième fois (10% des voix en 2017). Cet entrepreneur a notamment obtenu l’abandon du projet de détruire la forêt du Flon à Lausanne. Il se bat pour le petit commerce, pour les producteurs locaux, pour une protection des espaces verts, pour une croissance modérée de la population, pour que cesse la drague des multinationales à coup d’avantages fiscaux. Le personnage est turbulent, créatif mais fort sérieux. A preuve le succès de son commerce de chaussures dans un domaine pourtant en grand péril. Un de ses supporters résume sur FB: «Je ne sais honnêtement pas si c’est le meilleur, mais c’est le seul qui n’est pas (encore) broyé du cerveau par le carcan politico-politique et qui à mon sens représente une certaine normalité». Morand est soutenu par le jeune parti, présent au parlement, «Vaud libre».
La candidature verte, soutenue par une partie des socialistes, et celle du «pirate» informaticien ne devraient guère troubler le jeu. Déjà gagné en fait par la radicale payernoise qui marche dans les pas de Pascal Broulis. Les multinationales et les sociétés qui négocient leurs impôts à la faveur de la sous-enchère menée face à Genève et aux autres cantons n’ont pas de souci à se faire. Et les classes moyennes, en dépit de leur surcharge fiscale, voteront comme on le leur demande. C’est si confortable, la concordance gouvernementale. C’est si valorisant de savoir que les comptes du canton font des bénéfices. Et tant pis si les communes tirent la langue. Et tant pis si la déclaration d’impôts reçue ces jours débouchera sur une facture plus salée que dans la plupart des autres cantons. 

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