Trou noir financier au tunnel de Riedberg

Publié le 25 septembre 2018

Le chantier du tunnel de Riedberg a commencé il y a plus de 14 ans et pourrait coûter quatre fois plus cher que prévu. – © Canal 9

Le tunnel de Riedberg est un symbole valaisan de mauvaise gestion et des manigances du PDC. D’un budget de 54 millions de francs prévu, on apprend maintenant que sa construction pourrait coûter plutôt 220 millions. Histoire d’une horreur sans fin.


Un article original de Kurt Marti, ancien rédacteur en chef de Rote Anneliese,

paru le 21 septembre sur Infosperber.

Une traduction de Diana-Alice Ramsauer


Vendredi dernier, le ministre valaisan au département de la mobilité, du territoire et de l’environnement Jacques Melly (PDC) a admis que le tunnel de Riedberg (Haut-Valais) long d’à peu près 500 mètres avait déjà englouti 140 millions de francs. 80 millions supplémentaires vont devoir être nécessaires pour finaliser le projet. Le ministre a pourtant été imperturbable: il tient à continuer avec cette variante du projet.

Construction d’un tunnel commencé il y a 14 ans

D’abord budgétisé à 54 millions, le tunnel de Riedberg coûtera donc en réalité 220 millions de francs: soit quatre fois plus. Le tunnel dont la première pierre avait été posée en 2004 et dont la fin des travaux était initialement prévue pour l’automne 2006, n’a jusqu’à présent été creusé qu’à hauteur de 50% environ. Raison invoquée: des glissements de terrain au Riedberg durant la première année des travaux. Des risques qui avaient été depuis longtemps exprimés par les détracteurs du projet.

Ce même vendredi, le député au Grand Conseil Gilbert Truffer (PS Haut-Valais) a déposé un postulat qui demande au Conseil d’Etat d’abandonner les travaux au Riedberg et d’étudier une solution sur le versant de la montagne. En outre, au travers d’une résolution, il exige de la commission de contrôle qu’elle examine la «catastrophe du tunnel de Riedberg».

Un projet depuis longtemps hors de contrôle

Étonnamment, dans les médias germanophones, les mauvaises nouvelles du ministre en charge de la construction n’ont pas fait débat, et cela, même si 96% des coûts devront être supportés par la Confédération. Si le même scandale s’était produit à Zurich, à Bâle ou à Berne, les gros titres en une des quotidiens auraient déferlé.

Même le Walliser Bote a minimisé le scandale en ne lui offrant que quelques lignes dans une colonne marginale. En revanche, la télévision Canal 9 a fait un reportage détaillé sur la question, ponctué d’une interview du député PS Gilbert Truffer. Celui-ci a fait observer que 220 millions (budget auquel ne restent en réalité que 80 millions) «ne suffiraient pas» étant donné que seule la moitié du tunnel n’est excavée à ce jour. Sa conclusion: «il y bien longtemps que le projet est hors de contrôle des autorités.» D’ailleurs, personne aujourd’hui ne peut encore dire quelles seront les «surprises» qui seront découvertes lors de la deuxième partie des travaux.

Cordiales salutations d’Absurdistan

La chronique du tunnel de Riedberg se surpasse par son absurdité:

  • Le 3 septembre 2004, le consortium de construction remet une première facture préalable de 10,7 millions de francs au Département cantonal, alors que les travaux de construction n’ont même pas encore commencé.

  • Ce n’est que le 24 septembre 2004, c’est-à-dire 3 semaines plus tard, qu’a lieu le premier coup de pelle mécanique, alors effectuée par le ministre chargé du projet à l’époque Jacques Rey-Bellet (PDC). Le Walliser Bote avait fait à cette occasion office de porte-parole du département de la construction en titrant de manière réjouie: «Il va dont bien être construit!» (NDLR: «Und es wird doch gebaut…» dans sa version originale)

  • Le 22 octobre 2004, bien que tout le monde ait pu constater que les travaux du tunnel de Riedberg ne sont pas encore accomplis, le Département de la mobilité, du territoire et de l’environnement paye les 10,7 millions facturé en septembre par le consortium de construction.

  • Les 22 et 28 octobre 2004, deux autres factures préalables concernant le tunnel de Riedberg atterrissent sur le bureau du Chef du Département en question: l’une d’un montant de 2,9 millions, l’autre de 2,5 millions. Elle seront payées étonnamment rapidement le 30 novembre suivant.

  • C’est lors des premiers glissements de terrain au Riedberg de l’été 2005 – qui ont engendré l’arrêt de la construction – que les payements anticipés sont révélés au grand jour. Le scandale des prépaiements de l’A9 est né. Il a ensuite fait sensation dans toute la Suisse.

  • En automne 2006, la Rote Anneliese publie le contenu d’une directive explosive du Chef du service de la construction qui exhortait le responsable du service autoroutier du Haut-Valais «de prendre d’urgence toutes les mesures nécessaires afin d’épuiser le budget d’ici à la fin de l’année». Un but difficilement atteignable en raison de l’avancement des travaux: problème contourné au moyen des paiements en avance. Cela a duré quatre ans avant que les médias hauts valaisans ne rendent compte du contenu de cette directive et cela dans le cadre du procès.

  • Tous ces événements ont eu lieu dans le contexte des magouilles du PDC valaisan qui ont engendré chaos (pages 4 et 5), et mauvaise gestion (pages 2 à 5) dans le Département de la mobilité, du territoire et de l’environnement et que la Rote Anneliese a traité a maintes reprises, alors que les autres médias valaisans – généralement bien élevé – avaient simplement couvert les conférences de presse des constructeurs des autoroutes.

Conclusion: le danger est grand de voir la poursuite de la construction du tunnel engendrer des coûts supplémentaires, des travaux qui dureraient plus longtemps que l’établissement d’une variante alternative et à ciel ouvert. D’autant qu’il a été prouvé à maintes reprises que le gouvernement valaisan n’est pas capable, lorsqu’il s’agit de construction autoroutière, de repenser le projet sans pressions extérieures.

C’est pourquoi, il appartient maintenant au Grand Conseil valaisan, d’une part de donner un coup de frein urgent à cette catastrophe et d’autre part de nommer les responsables de cette débâcle et cela même si le PDC – qui est en charge de ce département depuis des décennies – doit y perdre des plumes. Il vaut mieux que ce projet se termine sur une fin horrible plutôt qu’il devienne une horreur sans fin.


Un article de Kurt Marti: Rédacteur en chef de la Rote Anneliese entre 2000 et 2010 et auteur du livre: La vallée des secrets: histoires valaisannes, sur les magouilles des partis,  l’église, les médias et la justice (NDLR: titre librement traduit en français). Le chapitre «Le scandale autoroutier» (NDLR : titre librement traduit en français) donne un aperçu de la mauvaise gestion et du népotisme du Valais lors de la construction de l’autoroute du Haut Valais.

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