Quand les ministres perdent les pédales

Publié le 19 novembre 2020
Le ô combien regretté Guy-Olivier Segond, grand homme politique de la République genevoise, aimait dire que dans cet art, il ne faut pas céder aux émotions. Regarder les faits, y compris ceux qui dérangent, les rapports de pouvoir, mener la barque avec calme. Surtout ne pas céder aux tempêtes passionnelles. Que sa sagesse nous manque ces temps-ci. Alors que des ministres, particulièrement en France, chez nous aussi, s’emportent et admonestent leurs contradicteurs.

Les responsables politiques qui se fixent sur une vision unique du problème, celle des spécialistes d’un domaine étroit, manquent à leur devoir. On attend d’eux un regard à travers l’objectif grand angle. Voyant certes la situation des hôpitaux (peut-être pas aussi étonnante et dramatique qu’on le dit), mais considérant aussi d’autres situations. Comme la détresse psychologique que crée le martèlement des cris d’alarme. Tiens, tiens... Aucun psy ne siège à la «task force» fédérale. Prendre en compte bien sûr la catastrophe économique et sociale qui ne fait que commencer... Enfin, considérer avec respect ceux qui doutent des grands discours du pouvoir. L’admirable philosophe Edgar Morin (99 ans) tweetait l’autre jour: «La naïveté est de croire aux vérités officielles et la rationalité est de les interroger. On réfute en argumentant, non en dénonçant.»
La caricature du dirigeant enfermé dans une vision obsessionnelle s’appelle Olivier Veran, ministre français de la santé. Il est allé jusqu’à insulter ses contradicteurs devant le Parlement. Bouleversé par la visite auprès d’un jeune homme aux soins intensifs, atteint du virus. Sans rappeler que les cas de décès des moins de 30 ans sont rarissimes (0,1 % en France) et généralement liés à d’autres causes de morbidité. Sans indiquer que la moyenne d’âge des victimes est de 81 ans, précisément le niveau de l’espérance de vie.
Un responsable de ce niveau pourrait reacadrer l’importance de la pandémie, sans en sous-estimer la gravité, mais en rappelant comment d’autres virus, ces dernières années, ont aussi durement frappé, aussi gravement surchargé les hôpitaux. Il pourrait surtout parler non seulement de la maladie, mais de la santé psychique et physique à préserver. Vous avez souvent entendu ces donneurs de leçons nous consei...

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