Les COP se suivent et la planète continue à surchauffer

Publié le 27 mai 2022
La folie qui consiste à faire faire des milliers de kilomètres à tout ce que nous consommons plombe le climat. Mais le business mondialisé n’est guère remis en cause lors des COP qui planchent sur l’avenir de la planète Terre.

La quinzième Conférence des Parties (COP15) sur la lutte contre la désertification, «petite sœur» de la COP sur le réchauffement climatique, s’est achevée il y a tout juste une semaine à Abidjan, en Côte d’Ivoire, avec son lot d’incantations, de prédictions, d’appels à milliards, chacun dans son rôle: les représentants des délégations des 190 pays ont négocié jusque tard dans la nuit; les secteurs privé et financier furent à la recherche de nouvelles opportunités d’affaires dans «l’économie verte»; les organisations internationales ont publié un rapport après l’autre annonçant l’apocalypse. Chacun et chacune recourant ad nauseam aux termes «durable» et «durabilité», mots magiques du jargon ad hoc.

Dire qu’il ne s’est rien passé à Abidjan serait faux: 15 jours de discussion et de négociations de haut niveau – avec une délégation suisse très performante – des meetings avec partages de connaissances et d’expériences accumulées sur toute la planète. Mais face à l’urgence, les résolutions finales, qui ressemblent à des vœux pieux, sont-elles à la hauteur? Fallait-il que 6’000 personnes se rencontrent pour in fine préconiser «l’accélération de la restauration d’un milliard d’hectares de terres dégradées d’ici à 2030», ou encore améliorer l’implication des femmes dans la gestion des terres et «renforcer la préparation, la réponse et la résilience à la sécheresse»? A l’heure où plus de 40% des terres sur la planète sont dégradées, quand partout dans le monde, les terres s’assèchent, les sols perdent en fertilité et se transforment en poussière?

«Nous sommes à la croisée des chemins. Nous devons nous diriger vers les solutions plutôt que de continuer avec des actions destructrices. Et ne plus croire qu’un changement à la marge peut guérir une défaillance systémique», a répété à l’envi à Abidjan Ibrahim Thiaw, secrétaire général de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification. Mais lors de cette COP15, comme lors des précédentes, aucune critique ni changement radical d’un système économique délirant n’ont été préconisés; lequel fait faire des milliers de kilomètres à ce que nous mangeons, aux habits que nous portons, au moindre jouet pour nos enfants, quel que soit le continent sur lequel nous vivons. Avec, à la clé, des quantités astronomiques de dioxyde de soufre, d’oxydes d’azote, de CO2, recrachées dans l’air par les quelque 100’000 porte-conteneurs qui sillonnent les mers du globe pour nous ravitailler, en utilisant un fioul lourd, extrêmement polluant.

Comment avons-nous pu imaginer que cette folie n’allait pas un jour se payer cash? Eh bien nous y sommes: notre planète qui étouffe nous présente aujourd’hui la facture, et elle est salée: la survie même sur la Terre est menacée. Mais ni lors des COP qui s’enchaînent ni dans d’autres enceintes, on ne s’attaque au business mondialisé. Et d’autant moins à l’heure où la guerre menée en Ukraine par la Russie fait planer de nouvelles menaces de pénuries et de crises alimentaires. 

La crise du Covid-19 avait déjà contribué à redorer le blason des grands armateurs qui assurent 90% des échanges mondiaux. Comment ne pas leur être reconnaissant en effet d’avoir continué à assurer les livraisons de pratiquement tout ce que nous consommons, fabriqué à des milliers de kilomètres, malgré les importants problèmes logistiques engendrés par la pandémie?

Aujourd’hui, qui oserait leur demander de rendre des comptes en matière environnementale? Pour savoir s’ils se conforment à la réglementation visant à réduire les émissions de dioxyde de soufre, péniblement instaurée en 2020, et si leurs navires géants sont désormais équipés de ces «scrubbers» ou laveurs de gaz extrêmement onéreux? La société MSC, dont le siège se trouve à Genève, est pourtant régulièrement indexée comme étant l’un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre (GES) d’Europe, selon les données de la Fédération européenne pour le transport et l’environnement.

Lors de la COP15, aucun signal n’a en tout cas été donné en faveur d’une relocalisation de chaînes de production favorisant un circuit court, moins dommageable pour le climat et l’état de la planète. Le business as usual poursuit sur sa lancée, à plein régime, avec, au centre des préoccupations des grandes entreprises, encore et toujours la recherche effrénée d’une main-d’œuvre payée le moins cher possible, où que ce soit sur la planète. Agrémentée de quelques concessions cosmétiques à l’environnement, au climat, à la «durabilité», pour faire plaisir aux organisations internationales, aux ONG et aux COP à venir.

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