Les bons cinéastes ne font pas toujours les bons photographes

Publié le 26 octobre 2017

Wim Wenders: Valley of the Gods, Utah, 1977 – © Wim Wenders, Courtesy Deutsches Filminstitut Frankfurt

Si Wim Wenders, à l'honneur à Londres, était un utilisateur inspiré du Polaroid, on ne peut pas en dire autant de Gus Van Sant, exposé au Musée de l’Elysée. Mais ses clichés ne sont que la partie d’un plus grand tout expressif, qui passe également par la musique, la peinture ou l’écrit.

Il ne faut pas accorder trop de crédit au jugement du commissaire de l’exposition Gus Van Sant au Musée de l’Elysée, à Lausanne. Matthieu Orléan voit les photographies du réalisateur américain comme «des œuvres d’art à part entière, ambiguës et paradoxales». Il parle en particulier des images au Polaroid, qu’il s’entête à écrire «polaroïd», de l’auteur de «My Own Private Idaho», des portraits saisis à la va-vite dans les années 1980 et 1990.

Or ces instantanés carrés n’ont d’autre intérêt que leurs sujets, des acteurs, artistes et anonymes mâles hypersexués, ainsi que leur fonction de bloc-note visuel à l’issue d’un casting mené en 10 minutes. Ils sont pour la plupart d’une qualité médiocre. Nous avons ainsi droit à la pire photo d’Allen Ginsberg, le poète beat, à n’avoir jamais atterri dans un musée.

L’exposition Gus Van Sant pourrait ainsi être embarrassante. Surtout que les autres clichés du cinéaste ne rattrapent guère ses Polaroid de casting. Mis à part de beaux agrandissements de portraits noir et blanc, comme celui de David Bowie, ou quelques photos de tournages. Bien heureusement, dans son ensemble, l’exposition travaille à la rédemption de ces images faibles. Elle les insère avec habileté dans une énergie expressive beaucoup plus large, Gus Van Sant étant à la fois réalisateur, peintre, dessinateur, romancier, poète ou musicien.

Pop, beat, rock

C’est une présentation chorale, un montage syncopé d’impressions, de mouvements, de désirs qui donne la juste mesure d’un créateur...

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