Le chant du monde selon Hodler et la griffe de Vallotton

Publié le 28 mars 2025
A voir absolument ces jours en nos régions: deux expositions denses de contenu et de haute volée qualitative, consacrées respectivement à Ferdinand Hodler et quelques «proches», et à Felix Vallotton graveur sur bois. Où la pure peinture et le génie plastique subliment, pour le meilleur, toute forme d’idéologie esthétique ou nationale…

Fraîcheur de l’Art! Bonheur de ces regards à un siècle de distance. Permanence de la beauté en phase immédiate avec la Nature mais au-delà de la copie servile (merci Cézanne), voire de la représentation, le dernier Hodler touchant quasi à l’abstraction lyrique, et Vallotton ne le lui cédant guère. Or voici l’occasion, en même temps que le terrible Bacon chez Gianadda (ce sera pour une autre fois), de découvrir deux ensembles de peintures, gravures et dessins illustrant à la fois le génie particulier de deux artistes de haute volée et de leurs «alliés» éventuels, explicitement convoqués au Musée d’art de Pully, avec cinq artistes présents «autour» de Hodler (à savoir le quintet d’artistes connus que forment Cuno Amiet, Alice Bailly, Giovanni Giacometti, Félix Vallotton et Casimir Reymond, auxquels s’ajoutent les noms d’Anna Haller, Eduard Boss et Raymond Buchs) et non moins présents implicitement dans la collection du Musée Jenisch, notamment avec un François Bocion.
Cela pour les consonances multiples souvent révélatrices, et parfois pour les contrastes jusqu’au couac «conceptuel» (on a cru malin de placer une toile absolument blanche d’Alain Huck dans la salle dévolue aux bois gravés de Vallotton), à savourer librement ou à rapporter à tel ou tel «débat» sur la suissitude de l’art suisse, l’apport de la vision paralléliste appariant (selon le Hodler grave de La Mission de l’artiste) l’harmonie des compositions à celle du monde mondial, ou le transit de la représentation historico-symboliste à toutes les ruptures du tournant du XXe siècle, etc.
La visite d’expo, mode d’emploi…
Il fut un temps où visiter un musée ou «se faire une galerie» relevait de la démarche simple consistant simplement à marcher posément de toile en toile et d’apprécier plus ou moins, point. Or l’ex...

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