La politique de Trump exporte le virus en Amérique du Sud

Publié le 13 juillet 2020
Le service de l’immigration américain n’a pas relâché ses efforts pendant la pandémie. Des migrants ont été rassemblés dans des centres de détention et déportés par milliers rien qu’entre mars et avril, exposant l’Amérique du Sud et les Caraïbes à un danger sanitaire qu’ils ne sont absolument pas armés pour combattre, rapporte «The Intercept».

Tandis que les pays fermaient leurs frontières afin de diminuer les mouvements de personnes pour endiguer l’épidémie de Covid, l’administration Trump aurait organisé 350 charters destinés à renvoyer chez eux les citoyens d’une quinzaine de pays, entre février et fin juin, selon les données de vol analysées par le Center for Economic and Policy Research. Certains de ces vols, dont les compagnies aériennes sont notoirement employées par le service de l’immigration, transportaient des personnes testées positives au coronavirus à leur arrivée.

Entre le 3 février et le 24 juin, le Center for Economic and Policy Research a identifié 351 vols d’expulsion probables de l’ICE vers l’Amérique latine et les Caraïbes. Le CEPR a analysé les données du système public de suivi des vols FlightAware et a désigné des vols comme étant des vols d’expulsion probables s’ils étaient exploités par des compagnies aériennes connues pour affréter des avions à moteur thermique et s’ils correspondaient à des itinéraires d’expulsion connus. Akil Harris/The Intercept. Source: Akil Harris/The Intercept : Centre pour la recherche économique et politique

Le Triangle du Nord de l’Amérique centrale a reçu la majorité des 351 vols d’expulsion probables de l’ICE identifiés par le Center for Economic and Policy Research entre le 3 février et le 24 juin. Cette région ravagée par la sécheresse est maintenant aux prises avec une augmentation des nouveaux cas de coronavirus.
Graphique: Soohee Cho/The Intercept. Source: Akil Harris/The Intercept: Centre pour la recherche économique et politique

En cause, le non-respect des mesures sanitaires par les autorités des centres de détention de migrants, et la propension des Américains à renvoyer leurs captifs sans les tester, en dépit des demandes des dirigeants sud-américains. Selon le ministère de la santé guatémaltèque, près de 20% des cas Covid du pays viennent des déportations: «Nos hôpitaux ont des capacités limitées, et maintenant nous devons traiter des patients infectés par une maladie qui tire son origine d’ailleurs (…) Le Guatemala est un allié des Etats-Unis, mais je ne crois pas que les Etats-Unis soient alliés du Guatemala, car ils ne nous traitent pas comme tel».

Selon Jude, un témoin haïtien cité par The Intercept, les migrants sont souvent baladés dans différents centre de détention avant d’être déportés, voyageant dans des bus bondés même après avoir été testés positifs au virus. Une fois rentrés chez eux, ils sont ostracisés par la population qui leur reproche d’avoir ramené le mal dans leur pays.

Fin juin, le Guatemala recensait 601 morts pour 14 819 cas positifs. Le Honduras, qui a reçu le plus grand nombre de déportés après son voisin à l’ouest, a confirmé 417 morts pour 14 500 cas. Au Salvador, 126 morts sont à déplorer pour 5300 cas. Quant à Haïti, qui comptait 1100 cas fin mai, le pays a vu ses chiffres quadrupler en moins d’un mois depuis la déportation de Jude.

D’autres charters venant des Etats-Unis ont atterri au Brésil, en Equateur et en République Dominicaine, qui sont tous parmi les plus touchés par le virus.

Moratoire demandé

Des membres du Congrès américain, des organisations médicales ainsi que Médecins sans frontière ont exigé de l’administration Trump qu’elle décrète un moratoire sur les déportations, prévenant que l’épidémie pourrait se répandre avec des conséquences catastrophiques pour les pays munis d’un système de santé fragile, en vain.

Avant et en plein milieu de la pandémie, le gouvernement américain a menacé ses «alliés» du Sud de sanctions s’ils refusaient de reprendre leurs ressortissants, incluant les taxes sur les échanges commerciaux, les visas et l’aide humanitaire. Le Guatemala, qui a été le premier à tenir tête à l’oncle Trump, a servi d’exemple pour ses voisins d’Amérique du Sud et des Caraïbes, qui n’ont eu d’autre choix que de laisser les déportations se dérouler, en échange notamment de respirateurs.

«Selon ma compréhension de la chose, nous avons été punis, a confié un diplomate guatémaltèque à la retraite. L’administration Trump a d’ores et déjà prévenu qu’elle suspendrait les visas des citoyens du Guatemala, y compris ceux des businessmen et des membres du gouvernement. C’est une menace que nous prenons très au sérieux.»


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