«La passivité politique a permis à Exit de prospérer sauvagement»

Publié le 16 mai 2019
Coïncidence: au moment où paraissent des chiffres troublants sur les millions accumulés par Exit, le plus célèbre de ses adversaires, l’ex-instituteur genevois Claude Mermod, fonde l’association «Stop dérives suicide assisté». Et publie un livre où il témoigne de ce qu’il a vécu pour s’être opposé au suicide de son frère en 2016. Il explique comment, lorsque la violence de la mort est niée, elle se déplace sur les familles. Il met en garde: en souscrivant à l’«assurance du bien-mourir» pour calmer notre intolérance à l’incertitude, on pave le chemin vers une «société gérontocide». Il prend aussi position pour l'euthanasie, «moins hypocrite» que le suicide assisté.

Dans son livre Je vais mourir mardi 18, Claude Mermod qualifie le suicide assisté de «business florissant» et se demande combien de millions Exit a accumulés à ce jour. La réponse est tombée tout dernièrement dans la NZZ: 29 millions de francs d’actif brut exactement. L’information, et l’alarme, viennent de l’intérieur même de l’association: Rolf Sommer, UDC soleurois, s’inquiète des risques de dérive inhérents à cette accumulation et réclame une meilleure transparence financière d’Exit.
De quoi donner raison au plus célèbre des «deux frères genevois» qui, fin 2016, saisissaient la justice pour empêcher leur frère aîné de mourir avec Exit alors qu’il ne souffrait d’aucune maladie mortelle. La justice leur a donné raison, le frère s’est suicidé par ses propres moyens, mais cela n'a fait qu’alimenter la conviction des deux puînés: les cercles d’aide au suicide ont pris un pouvoir démesuré, il faut trouver le courage politique de stopper leurs dérives. L'association «Stop dérives suicide assisté», fraichement créée, se bat dans ce sens et encourage les proches brutalisés par le suicide d'un être cher à sortir du silence.
Ardent, volontiers lyrique, parfois brouillon à force d’être mentalement arborescent, Claude Mermod n’en déploie pas moins une réflexion implacablement lucide sur le «Zeitgeist» qui nous pousse à valoriser le suicide. Il me reçoit dans son jardin, sous la glycine, entre le clapier à lapins et le poulailler. Nous sommes dans le sud-est genevois, dans une maison qui constitue, en elle-même, une insulte à toutes les lois de la valorisation immobilière. Cultiver le goût de vivre au nez et à la barbe de la logique économique: Claude Mermod le combattant vit, sourire aux lèvres, au plus près de ses convictions.
Bon pour la tête: 29 millions de francs de fortune ...

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