L’ombre de Schwarzenbach

Publié le 8 juin 2020
James Schwarzenbach voulait limiter à 10 % de la population la part des immigrés. 50 ans après son initiative, la Suisse compte 25 % d'étrangers, et près d'un million de binationaux. Reste que sa petite musique xénophobe est bien présente dans les têtes: les étrangers sont toujours désignés comme boucs émissaires de nos difficultés. L’idée que notre pays souffre de la présence des étrangers, que nos paysages sont abimés par eux, reste prégnante. Elle revient comme un leitmotiv, portée par les nationalistes mais aussi par certains écologistes.

Il y a cinquante ans les Suisses votaient sur l’initiative de James Schwarzenbach qui proposait de limiter la population étrangère à 10%. Le résultat fit sensation: 46% de oui. Mais, en ce 7 juin 1970, les femmes ne votaient pas encore. Quand elles furent consultées lors de nouvelles tentatives de limiter la part des étrangers, le oui fondit à un tiers.
Sur le fond, Schwarzenbach a lamentablement échoué. Les faits, les besoins de notre économie, ont été plus forts que les discours xénophobes. Cinquante ans plus tard, notre pays compte 8,5 millions d’habitants, dont deux millions d’étrangers, mais aussi près d’un million de Suisses binationaux. La Confédération jouit d’une prospérité et d’une qualité de vie exceptionnelles.
Malgré ce KO démographique et économique, Schwarzenbach a durablement installé dans l’agenda politique le thème de la surpopulation étrangère. L’idée que notre pays souffre de la présence des étrangers, que nos paysages sont abimés par eux, reste prégnante. Elle revient comme un leitmotiv, portée par les nationalistes mais aussi par certains écologistes. Lorsque les immigrés ne sont pas dans le viseur, ce sont les requérants d’asile qui subissent ce climat d’hostilité latente et servent de boucs émissaires: nous ne sommes ainsi jamais responsables de nos problèmes, ce sont les méchants étrangers qui gâchent notre petit paradis.

Lire aussi: La vague verte emportera-t-elle les bilatérales?

Il y a eu un passage de témoin entre l’Action nationale de James Schwarzenbach et l’UDC de Christoph Blocher. Le premier a quitté le Conseil national en 1979, l’année où le second y est entré et a peu à peu construit son hégémonie politique.
C’est ainsi que nous voterons en septembre prochain sur une initiative de limitation de l’immigration, lancée par l’UDC, qui u...

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