L’Inde est-elle le premier pays à avoir vaincu la pandémie?

Claudia Ehrenstein, dans Die Welt
Et c’est précisément à ce stade que l’Inde se trouve actuellement. Du point de vue allemand, cette évolution tient du miracle. Il y a à peine six mois, un nouveau cas de Covid sur trois dans le monde était signalé en Inde. Au plus fort de la pandémie en Inde, plus de 400’000 personnes ont été infectées chaque jour; le 6 mai 2021, 414’433 cas ont été enregistrés, ce qui constitue un record. Mais le nombre de cas a diminué aussi rapidement et radicalement qu’il avait augmenté. Le Covid-19 n’est plus un sujet de préoccupation, du moins actuellement. On organise même à nouveau de grandes fêtes, avec des feux d’artifice et des foules. Plusieurs raisons expliquent que l’Inde soit aujourd’hui en si bonne position par rapport à l’Allemagne et à d’autres pays européens. Ainsi, le gouvernement indien a misé dès le printemps 2020 sur le développement rapide de son propre vaccin. En janvier 2021, la substance active a reçu une autorisation d’urgence et la campagne de vaccination a pu commencer. Entre-temps, plus de la moitié des adultes indiens ont été vaccinés une fois et plus d’un quart ont reçu une deuxième injection. Pour immuniser la population, le pays a pu s’appuyer sur une infrastructure de campagnes de vaccination antérieures contre la poliomyélite et la rougeole.
En février 2021, le Premier ministre indien Narendra Modi a déclaré que la lutte contre le coronavirus était déjà gagnée, ce qui s’est avéré être une erreur d’appréciation dramatique peu de temps après. En mars, une deuxième vague s’est développée et a frappé le pays de plein fouet. Contrairement à la première vague, le gouvernement a toutefois renoncé à imposer un couvre-feu national, laissant à chaque Etat le soin de décider de la nécessité d’un lockdown.
«Les mois d’avril, mai et juin 2021 ont été extrêmement difficiles et tristes pour l’Inde», explique le virologue Jacob John. Mais à long terme, cette situation dramatique a eu un effet positif: à Delhi, presque tout le monde a été en contact avec le coronavirus. Une étude réalisée en octobre montre que 97% des habitants ont des anticorps dans le sang. John estime qu’au cours des mois de la première vague, environ 30% des Indiens ont été infectés par le virus et ont développé une immunité. Lors de la deuxième vague, 60% supplémentaires sont entrés en contact avec l’agent pathogène. Ensemble, cela représente 90%, ce qui correspond à ce que l’on appelle l’immunité grégaire et qui, selon John, est une condition préalable au passage à la phase endémique.
C’est donc la combinaison de la vaccination et du contact direct avec le coronavirus qui permet à l’Inde d’enregistrer actuellement un nombre de cas aussi faible. Toutefois, la démographie du pays joue également un rôle important. Contrairement à l’Allemagne, où une personne sur cinq est âgée de plus de 65 ans, ce chiffre ne représente que 6,5% de la population indienne. En revanche, plus de 25% des Indiens ont moins de 15 ans – chez eux, l’évolution d’une infection à coronavirus est généralement légère ou passe inaperçue. Une troisième vague n’est pas en vue en Inde. C’est pourquoi le gouvernement ne prévoit pas de booster le vaccin pour le moment et n’a pas non plus commandé de nouveaux vaccins. Pendant ce temps, l’Allemagne et d’autres pays européens continuent de miser avant tout sur la vaccination pour obtenir une immunité de groupe. Le virologue John met en garde contre le fait de laisser de côté les moins de 18 ans. Sans immunisation, ils constitueraient un réservoir de virus. «Les vaccinations devraient être étendues aux enfants», conseille John. Cela permettrait d’accélérer la fin de la pandémie en Europe également.
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