L’admirable et tragique révolte du peuple libanais

Publié le 29 octobre 2019
Effarés par ce qui se passe dans plusieurs capitales d’Amérique latine, en Catalogne, à Hong Kong, par les derniers rebondissements en Syrie, les Européens feraient bien néanmoins de porter leur regard vers le Liban. Si proche. Depuis le 15 octobre, la foule manifeste sa colère. Pacifiquement. Toutes religions confondues. Jeunes et moins jeunes. Ce pays que l’on croyait paralysé par les divisions intérieures trouve soudain, dans la volonté de les dépasser, une dignité admirable. Parce que les gens n’en peuvent plus de la corruption, d’une politique intérieure désastreuse, de la chute du pouvoir d’achat, des infrastructures à l’abandon.

Gare aux amalgames. Ce n’est pas contre la mondialisation que les Libanais et les très combatives Libanaises se rebellent. C’est au contraire contre la main mise des clans locaux sur l’économie, des banques aux jongleries opaques, une classe politique qui s’enrichit depuis des décennies sur le dos de la population.  «On appelait l’ancien dirigeant Gemayel Monsieur 20 %, on appelle le président de la Chambre, Nabih Berri, Monsieur 51%», raconte une amie de Beyrouth. La corruption est le mal numéro un.
Le Liban est en faillite. Une dette de 150% du PIB, dont les intérêts absorbent la moitié des revenus de l’Etat. Sa banque centrale, aux mains des politiciens, est opaque, on ne sait même pas où se trouvent ses réserves en or. Elle a sans doute procédé à des manoeuvres financières plus que douteuses. Résultat: des coupes massives dans le budget, des hausses de taxes (dont celle, folle, sur WhatsApp). Les écoles sont débordées. Des dizaines de milliers de familles, incapables de payer les enseignements privés, privilégiés ces dernières années, ne peuvent plus assurer l’éducation de leurs enfants. Les pompiers, faute d’équipements, ne peuvent pas lutter efficacement contre les feux de forêts. Les routes sont dans un état lamentable. L’agriculture qui emploie de nombreux réfugiés syriens est concurrencée par les importations en contrebande de Syrie.
Le potentiel du Liban est pourtant considérable. Il y a du pétrole à ses rives. La main d’oeuvre est d’un bon niveau culturel. Ses hautes écoles renommées. Ses informaticiens à la pointe. Mais les investissements n’arrivent pas, faute de sécurité juridique car les tribunaux sont à la botte des politiciens. Ce que même l’Egypte réussit dans son développement, le Liban, avec tant d’atouts,  n’y parvient pas. Par la faute de sa classe...

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