Et pendant ce temps la planète brûle

Publié le 4 mars 2022
Il y a exactement quarante-cinq ans, en 1977, que j’ai publié mon premier article sur les dangers de la dégradation de l’environnement et du réchauffement climatique dans une revue étudiante. Depuis le Sommet de Rio en 1992, cela fait trois décennies que je suis avec attention la publication des rapports du GIEC. Pendant vingt ans, j’ai organisé des débats et des rencontres de presse avec les différents dirigeants de cet organisme et de l’Organisation mondiale de la météorologie. Chaque fois, ils ont sonné l’alarme. Et chaque fois, ils n’ont pas été entendus.

Quelques échos dans les médias, puis la chape de plomb est retombée. Beaucoup de tintamarre, un grand festival de célébrités et un ballet d’avions privés autour des COP (les conférences sur les changements climatiques) comme la COP 21 de Paris en 2015 ou la COP 26 de Glasgow l’an dernier. Et puis plus rien.

Bilan de toutes ces opérations: zéro. Ou presque zéro.

Lundi, le GIEC a donc publié son sixième rapport, encore plus alarmant, encore plus fondé, encore plus chiffré que d’habitude. Il suffit d’ouvrir sa fenêtre pour constater que le printemps arrive en février, l’été en mai, et les canicules tropicales en juillet. Que nos campagnes et nos montagnes vivent en état de stress hydrique quasi permanent. Mais rien n’y fait. 

Pendant deux ans, les Européens ont vécu la tête dans le Covid et durant ces deux prochaines années ils vivront dans l’indignation antirusse et les vertiges de la défense de «nos valeurs» face à l’ogre oriental et à la menace du nouveau péril jaune. Que diront-ils quand, dans trois mois, les incendies commenceront à décimer nos forêts, à brûler nos maisons, et que la chaleur achèvera de faire fondre nos glaciers et d’assécher nos nappes phréatiques? Où sont passés les militants du climat qui organisaient des sit-in et des occupations de banques en 2019 pour dénoncer l’inertie des Etats? Les écologistes qui dénonçaient l’addiction de nos entreprises aux énergies fossiles et qui bénissent aujourd’hui les achats de gaz de schiste et de pétrole de fracking américain obtenus au prix d’immenses ravages écologiques? 

Car il faudra bien continuer à se chauffer, à faire bouillir les marmites, à alimenter les voitures et les vélos électriques, et à faire tourner nos usines. 

Plus grave encore que le réchauffement climatique, la destruction quasi-totale des populations d’insectes, l’épuisement des océans par la surpêche et les matières plastiques, la destruction des sols par excès d’engrais, de pesticides, et surextension des monocultures, la déforestation, la chute dramatique de la biodiversité. Qui font l’objet de quelques papiers dans nos journaux entre deux éloges de milliardaires californiens qui s’envoient en l’air dans de coûteuses et polluantes fusées en faisant miroiter les bonheurs du tourisme spatial pour tous.

Tous ces changements provoquent d’ores et déjà, et provoqueront encore bien davantage à l’avenir, la migration de millions de réfugiés et la mort de centaines de milliers de personnes. Les tensions à l’œuvre pour le contrôle des ressources naturelles, agricoles et énergétiques, dont l’Ukraine n’est qu’un exemple, vont s’intensifier de façon dramatique. Le déclin démocratique, lui aussi déjà amorcé depuis l’adoption des lois d’urgence antiterroristes et sanitaires, va s’accentuer avec l’état de guerre permanent, les sanctions économiques, la division de la planète en camps irréconciliables. 

Vous direz que je divague. Que j’exagère. Que tel ou tel scientifique conteste ces données. Qu’il a plu en août et neigé en décembre. Je souhaite que vous ayez raison. Mais je reste persuadé que l’aveuglement et la valse des vertueuses indignations n’aideront pas à éteindre les incendies qui ravagent déjà notre planète.

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