Délices d’été: les apéros chaleureux

Publié le 29 juillet 2022
L’été est là, avec ses chaleurs, ses émois et ses folies. A travers six épisodes, partez à l’aventure dans les délices de l’été. Des amours en passant par la gastronomie jusqu’à la baignade et aux apéros, vivez un été aussi sensuel que littéraire avec Bon pour la tête. Episode 5: les apéros chaleureux.

Les apéros, c’est un délice pour toute l’année. Un verre de blanc ou une petite bière, avec ou sans petits salés, charcuteries et fromages, c’est bon quand il fait froid dehors, c’est bon quand il fait chaud, c’est bon pour le moral. Au bistrot ou à la maison, qu’on s’ouvre l’appétit pour un repas qui suivra ou qu’on passe la soirée ou la journée à taper dans l’apéro, cet instant est sacré. 

Il est sacré à l’instar de ce qui souvent le provoque: l’amitié. Bien sûr, on peut se faire un petit apéro seul avec de très bonnes raisons, mais j’en parlerai plus tard. Restons-en à l’amitié. Si, au cœur de l’hiver, un apéro dans un carnotzet entre copains est magique et réchauffe le cœur, je dois admettre que j’ai un faible pour les apéros d’été. 

Nous nous réunissons en terrasse. Nous sommes deux, trois ou plus, et la tablée s’agrandit au fur et à mesure des arrivées sans créer aucune difficulté. La table a beau être petite, on ajoute autour une chaise ou l’autre et nous sommes tous unis dans une ronde de l’amitié. Il y a ceux qui parlent plus fort, il y a ceux qui sont plus discrets, mais chacun tient sa place. 

Les discussions fusent: on commence par parler de travail, puis de musique, puis de politique et enfin d’amour et d’eau fraîche. D’ailleurs d’eau fraîche il y en a peu sur la table, si ce n’est dans le pichet de l’ami qui ne peut pas se passer de son pastis. Nous autres, nous sommes au blanc, du Johannisberg s’il vous plaît. Une bouteille, et puis une autre. Nous rions. C’est si bon. Le soleil tape, mais l’insouciance de notre jeunesse et les parasols nous protègent. 

Le soir, c’est la beauté du ciel qui nous accompagne. Le ciel devient rose et c’est une Œil-de-perdrix qui s’impose. Les tourments et le stress s’effacent dans la gaité du ciel et du vin. Un rose clair et magnifique qui s’expatrie du ciel à nos verres et à nos cœurs. La nuit est tombée, la paix s’est levée. Nous nous sommes une fois de plus éternisés autour de notre apéro au bistrot du quartier, et c’est déjà l’heure de la fermeture. 

Nous avons refait le monde, comme on dit, nous avons surtout refait nos forces. Paradoxal, non, de refaire ses forces assis sur une chaise, un verre de vin aux lèvres? Pas tant que ça: le vin et l’amitié sont des moteurs qui donnent envie de vivre et d’avancer. Ce qui n’enlève rien d’ailleurs aux vertus d’une alimentation saine et du sport.

Il m’arrive toutefois assez souvent d’aller prendre mon apéro d’été tout seul. Et si j’y vais, c’est pour elle. Pour elle… J’entends dans ma tête deux chansons d’amour ringardes aujourd’hui mais toujours sublimes: «Pour elle» de Richard Cocciante et «Por Ella» de Julio Iglesias. Oui, c’est elle qui m’invite à faire un détour par cette terrasse du centre-ville. Non pas qu’elle m’ait demandé de la rejoindre, c’est sa simple présence qui m’invite.

Elle est serveuse, elle est blonde: tout ce que j’adore. Elle m’a servi pour la première fois l’hiver dernier. Lorsqu’elle s’est approchée de ma table pour prendre ma commande, j’en ai bégayé le nom de la bière que je prends pourtant à chaque fois. 

Elle était tout de noir vêtue, sauf ses chaussures était d’un blanc usé, et laissaient apparaître des chaussettes de sport blanches également. Je devinais la forme fine de ses chevilles car son jean noir délavé était replié au fond. Je remontais le regard pour suivre la ligne gracieuse de ses jambes s’ouvrant sur des hanches larges précisément dessinées. De la taille au coup, une fine laine noire moulante cachait ce corps pour mieux révéler son éclat de sensualité. Des mains délicates et pâles sortaient des manches. Trônant fièrement au sommet du col roulé au sommet de sa fière jouvence: sa face mince et radieuse. Des lèvres légèrement charnues, des fossettes quand elle sourit, et des yeux marron clair dont le regard invite à être fixé, contemplé. Ses cheveux, rarement détachés, était coiffés en deux tresses soyeuses la première fois que je l’ai vue. 

L’hiver s’achève, et elle commence à se découvrir lentement: le cou, les bras et enfin le ventre cet été. Une beauté à en devenir fou. Commander ma bière et régler l’addition me ramènent à la raison. Alors j’y vais presque tous les soirs de ce saint été dans ce bar. Pour elle… Quand elle n’est pas là, je ne m’y attarde pas trop. Mais quand elle est là, et tout particulièrement quand c’est elle qui me sert, je m’illumine d’un feu d’amour intérieur. 

J’en oublie la bière, j’en oublie la terrasse, j’en oublie l’été: je ne vois qu’elle. Elle déambule d’une table à l’autre, attirant le regard de tous les autres hommes qui doivent être habités des mêmes désirs que moi. Seulement, moi je suis plus discret, car je fais semblant de lire un livre dont j’ai dû avancer d’au moins dix pages ce mois-ci. J’arrive à lire quelques lignes quand pour un instant je ne lève pas la tête pour la regarder. 

Et puis, vu que j’ai sifflé mes deux premières bières sans même m’en rendre compte, elle s’approche de moi, se penche légèrement, prend mon verre vide et me demande si elle me remet la même chose. Oui, oui et encore oui, pourvu que j’aie une interaction avec elle. Elle m’apporte ma bière blanche à la fraîcheur épicée comme son parfum corporel, et elle reste là face à moi. La mousse glisse sur ma langue et j’aimerais que ce soit cou souple qui y glisse, mes mains tenant tendrement ses hanches. Elle continue de me regarder. Que se passe-t-il? Suis-je si ridicule que cela quand je bois? Je luis souris gêné. Elle rit, et part vers une autre table. 

Est-ce un signe? Dois-je me déclarer, là au milieu de la terrasse? Cet apéro d’été se transformera-t-il en apéro chaleureux, en tête-à-tête avec elle, noyant ma langue dans la bière et puis dans sa bouche? Je ne pense pas. Elle est charmante, voire un brin charmeuse, mais elle ne fait que son travail. Alors je fais le mien, en vous racontant cette délice d’été, entre les apéros et son regard. 

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