Analyses de Jacques Pilet

La guerre sur Tiktok
On peut pousser des hauts cris, l’ignorer avec dédain, mais le fait est là: en mai 2023, Tiktok, habilement géré par une société chinoise, comptait 1,7 milliard d’utilisateurs, passant pour la plupart sur ce flux une heure et demie par jour. Dans de nombreux pays, notamment au Moyen-Orient et en Afrique, pour de larges pans de la population, pas seulement les jeunes, c’est devenu la première source de mots et d’images. Que dit ce déferlement hétéroclite sur le conflit israélo-palestinien? Et sur le monde d'aujourd'hui? Allons-y voir.

Le triste déclin d’un parti qui a marqué la Suisse moderne
La Constitution fédérale de 1848 était un exploit dans le morcellement de l’époque. Sa modernisation en 1870, au lendemain de la guerre du Sonderbund, en était un autre. Qui étaient à la manœuvre? Les radicaux. Au regard de l’histoire, d’accord ou pas avec sa sensibilité, on est frappé par l’énergie, le sens des responsabilités de ce parti. Or il descend peu à peu les marches du pouvoir. Il maintient à peine sa troisième place alors qu’il fut longtemps le premier. Qu’est-il donc arrivé?

La guerre et le désarroi occidental
Nous sommes dans la tempête des émotions. L’horreur de l’attaque du Hamas. Les bombardements massifs et incessants sur une bande de terre minuscule, provoquant des milliers de morts dans une population quasiment privée de tout. Un défilé diplomatique qui ne laisse entrevoir aucun espoir de paix. Le risque, pour nous, ici, est de voir s’installer une routine de l’abomination, son acceptation. Comme cela se produit pour l’Ukraine. Il est aussi, dans le regard immédiat, de perdre de vue les changements géopolitiques que provoque cette tragédie. Car rien ne sera plus comme avant.

Le «Regard libre» fête son centième numéro
Salut à vous, aventuriers de la presse! Avec une bouffée d’admiration, d’amitié et de curiosité. Jonas Follonier était en avant-dernière de gymnase, en Valais, féru, comme ses copains, de philosophie et de littérature, lorsqu’il eut l’idée de créer un magazine pour «les amoureux du débat». Et ce fut fait! Premier numéro en janvier 2014, d’abord en numérique, puis sur papier, sur 28 pages, puis sur 68, et une centaine pour ce numéro spécial, «bilan de la décennie 2014-2023».

Entre tolérance et refus de l’horreur
Un tweet israélien donne à réfléchir en ces jours tragiques. En substance: pour vaincre le nazisme qui voulait éliminer les Juifs comme le Hamas, les Alliés ont dû bombarder, raser des villes. Or leurs opinions publiques l’ont compris et ne s’en sont pas émues.

La victoire des jeunes et des femmes
Quelle leçon a donné la Pologne à l’Europe dimanche dernier! Un événement qui va bien au-delà d’une simple péripétie électorale. Une majorité a vaincu un pouvoir qui domine les médias, dépense des sommes folles pour une campagne haineuse, a arrosé de subventions les familles juste avant le vote. Les clés du succès inattendu des oppositions coalisées? Il n’a pas passé par le chahut et les troubles dans la rue. Mais par une participation massive: 74%! Et même 85% à Varsovie. En particulier, ce qui est nouveau, celle des jeunes et des femmes.

La tragédie regardée en face et le dilemme posé à la Suisse
L’incursion du Hamas sur le territoire d’Israël et les atrocités commises soulèvent une énorme vague de colère, d’appels vengeurs. L’impéritie de l’armée et du gouvernement Netanyahou ont provoqué la stupeur. Réactions compréhensibles. En face la destruction et l’étouffement en cours de la bande de Gaza suscite l’horreur. Mais n’est-il pas temps de considérer la tragédie plus froidement, avec un regard sur le passé – comment en est-on arrivé là? – et sur les avenirs possibles de cette région, des pires aux moins désolants? Même loin du sinistre théâtre, nous sommes tous concernés. La Suisse aussi, car elle peut, plus que les autres Européens, jouer un modeste rôle.

Le drame de Montreux et le journalisme qui fait réfléchir
Le livre d’Ariane Chemin, «Ne réveille pas les enfants», est le fruit d’une démarche journalistique exemplaire. L’auteure se rend à Montreux lorsqu’elle apprend le «suicide collectif», selon le terme utilisé par la police, du 22 mars 2022: trois adultes et deux enfants ont sauté dans le vide du septième étage de la Tour d’Ivoire. Elle se met alors à enquêter sur la trajectoire de ces personnes embarquées depuis longtemps dans un voyage intérieur.

L’homme qui jongle avec les milliards de l’humanitaire
Peter Maurer, ancien diplomate, a présidé le CICR de 2012 à 2022. Il a élargi ses tâches dans plusieurs domaines et fait exploser le budget. Après son départ, deux ans avant la fin de son mandat, il a laissé l’organisation à une nouvelle présidente désemparée devant le trou financier, quelques Etats ayant fortement réduit leurs contributions. Et voilà que de New York Maurer annonce un énorme projet sous l’égide du WEF de Davos. Il cherche dix milliards de dollars (quatre fois le budget du CICR) pour soutenir les petites entreprises dans les pays pauvres.

Les corps, ces petites choses élastiques et dociles
Il arrive qu’un spectacle suscite des songeries qui traînent longtemps dans nos têtes. L’autre soir au théâtre de l’Arsenic à Lausanne, la chorégraphe Nicole Seiler s’amusait – elle en parlait avec légèreté à la radio – à mener le bal à l’aide de l’intelligence artificielle.

Santé: et les voisins? Comment font-ils?
Quand une énorme machine grince depuis trente ans, quand ses coûts grimpent et grimpent jusqu’à faire souffrir ses usagers, le bon sens dicterait d’en changer le modèle. En Suisse, non. L’assurance-maladie est un monument écrasant que l’on n’arrive même plus à retaper ici et là. Et si l’on allait voir ailleurs comment cela se passe chez des voisins comparables? Histoire de piquer des idées, de préparer une véritable réforme.

Quand l’histoire, la vraie, fait grincer les discours politiques
Au Canada, la Chambre des Communes a ovationné Volodymyr Zelensky et, dans la foulée, un «héros ukrainien», ancien de la Waffen SS nullement repenti. Les protestations fusent. Faut-il n’y voir qu’un dérapage anecdotique ou une mise en garde contre les oublis et les manipulations du passé? On peut se poser la question en bien d’autres circonstances…

Michel Moret entre femmes-lumière et pensées vagabondes
«Besoin de lumière», Michel Moret, Editions de l’Aire, 78 pages.

L’ablation des seins pour les trans, un business florissant
Il arrive qu’une information surprenante tourne longtemps dans la tête, que le fait révélé interroge sur l’évolution de la société. Le site médical alémanique Medinside, ainsi que le magazine allemand «Emma», révèlent que des cliniques se spécialisent dans l’ablation des seins pour les personnes qui veulent en finir avec ce signe de féminité. Une doctoresse allemande établie en Suisse pousse très loin le marketing.

Martyre arménien
Certes il y a des conflits d’une autre ampleur, des champs de guerre ou de tensions meurtrières incomparables. De l’Ukraine au Soudan, de la Cisjordanie au Yemen. Mais ce qui est arrivé dans le Haut-Karabagh ne peut laisser indifférent et pose bien des questions sur la marche du monde.

L’embonpoint humanitaire
La dernière coupe dans les effectifs du Comité international de La Croix-Rouge, 270 postes supprimés à Genève, pose une foule de questions qui tardent à émerger. L’institution a-t-elle été victime de la folie des grandeurs? S’est-elle dispersée dans des tâches que d’autres assument? Qui contrôle effectivement la gestion de cet immense appareil? Pourquoi donc certains Etats contributeurs ont-ils soudain renâclé? Va-t-on vers une réforme drastique de cette maison emblématique? On pourrait élargir la réflexion à d’autres organisations humanitaires, peu transparentes, menacées, elles aussi, après des années confortables, de passer au régime minceur.

L’Afrique bruisse sur Tiktok
Tiktok? Mais c’est pour les jeunets et jeunettes!, entend-on souvent. Attention: la plateforme d’origine chinoise, c’est plus bien plus que cela. Un bal de narcissiques de tout poil, sans doute. Mais aussi un moyen d’expression politique. Les prises de paroles foisonnent ces temps-ci en Afrique. Et en disent long.

Après la vague de coups d’Etat militaires, où ira l’Afrique?
Dernier en date, au Gabon. Ce bastion qui paraissait inébranlable de la Françafrique. Pas moins de vingt putschs dans le pré carré africain de la France depuis 2020! Que cela veut-il dire pour elle, pour l’Europe? Vers qui se tourneront ces pays qui rompent ou prennent plus ou moins leurs distances avec l’ex-colonisateur?

L’armée suisse en surchauffe
Le chef de l’armée suisse, Thomas Süssli, annonce un «plan stratégique de défense» qui nécessite d’ajouter 13 milliards au budget militaire ces prochaines années. Et coopérer davantage avec l’OTAN. Un rapport du Département qui circule en Suisse alémanique parle même de 30 milliards. Quant aux experts consultés par la «Sonntagszeitung», ils évoquent un minimum de 50 milliards. Sur dix ans environ. Quelle mouche a-t-elle piqué ces galonnés?

L’UBS reste une bombe enfouie
Tout est réglé. Passez votre chemin. L’UBS a avalé le Crédit suisse, où est le problème? Cela n’a pas coûté grand chose aux contribuables et ils peuvent dormir tranquilles. Plus besoin des garanties de l’Etat. Tel est le discours. La réalité est autrement plus préoccupante.

Niger: les trous de l’info
Jamais un coup d’Etat en Afrique – il y en eut tant! – n’a provoqué un tel déferlement d’informations. Parce que l’enjeu géostratégique, il est vrai, apparaît de plus en plus clairement. Mais dans tout ce que l’on lit et entend, il y a des trous étranges. Ainsi je ne vois aucune discussion sur la question de la légitimité d’une éventuelle intervention armée contre la junte qui a pris le pouvoir au Niger. Qui serait donc déclenchée, avec l’appui de la France – fort mal prise dans cette affaire –, par la CEDEAO, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest. Son but officiel? «Promouvoir l'idéal d'autosuffisance collective de ses membres et viser également à créer un grand bloc commercial unique par le biais de la coopération économique». De quel droit une telle association pourrait-elle déclencher une guerre contre un pays dont le gouvernement déplaît soudain?

Surveillance du net: un pas vers la censure
Le 25 août entrera en vigueur la loi européenne sur la surveillance des réseaux sociaux (Digital Service Act). Avec de belles intentions: établir des règles plus strictes en matière de confidentialité des données, de protection des enfants, de lutte contre la désinformation et de discours de haine. Mais les déclarations du commissaire Thierry Breton font craindre des dérives autoritaires, des possibilités de censure.

Que faire avec l’Afrique? Outre la France, l’Europe s’interroge. La Suisse aussi
Des coups d’Etat militaires au Sahel, il y en eut tant. La France s’en accommodait fort bien tant qu’elle y voyait son influence maintenue. C’est fini. Le tohu-bohu en cours va au-delà de la crise au Niger, au-delà des drapeaux tricolores brûlés et des pancartes pro-russes. Les Européens, pas seulement à Paris, se posent bien des questions: faut-il, comme à Niamey ces jours, prendre la poudre d’escampette? Durcir le ton, menacer? Composer au contraire avec les juntes militaires? Surtout ne pas se couper des innombrables ressources du continent noir!

Raconter l’amitié, un défi!
L’amour, encore l’amour, cela déborde des rayons de livres. Très bien. L’amitié? C’est plus rare. Et on s’en méfie... Ne serait-ce pas un peu doucereux? Mais voilà que débarque un auteur qui ébouriffe les habitudes, les idées reçues, qui ne cherche pas à briller mais à dire vrai, en vrac, droit au but. Il en ressort un ouvrage, un témoignage émouvants: «Mon ami Pierre».