Analyses de Jacques Pilet

Noir et blanc
On s’y fait. Ou pas. Sur quelques sujets, pas seulement sur le trop célèbre virus, les médias dominants donnent une même version, dans une même tonalité. La photographie en noir et blanc est d’une infinie subtilité. Mais voir le monde en noir et blanc, c’est d’une platitude affligeante. Prenez le cas de l’Ukraine et de la Russie.

Godard et le regard du chien
Jean-Luc Godard a accordé un entretien à deux journalistes de Mediapart, peu avant son 91ème anniversaire, à Rolle. Pas vraiment une interview car, comme attendu, il n’a quasiment pas répondu aux questions préparées. Il a exprimé surtout sa méfiance des mots, des discours, du bavardage.

Pourquoi les jeunes générations se contre-fichent du défi européen?
La journée du Mouvement européen suisse, samedi 28 novembre à Berne, a connu de grands moments. Avec un discours, musclé et chargé de références historiques, l’ex-conseiller fédéral Pascal Couchepin exige du gouvernement une relance immédiate des négociations entre la Suisse et l’Union européenne. Le public était nombreux… mais avec une forte dominante de cheveux gris et blancs. Le fait que les générations montantes témoignent peu d’intérêt pour la question est plus que préoccupant. La plupart des jeunes gens, on le constate dans nos entourages, ne sont «ni pour ni contre», mais indifférents.

L’épouvantable nouvelle de Dürrenmatt
«Le joueur d’échecs», Friedrich Dürrenmatt, illustré par Hannes Binder, Editions d'en bas, 28 pages.

Avis de tempêtes sur l’Europe
Phénomène nouveau de météorologie politique. Dans plusieurs pays, ce n’est plus le choc de l’opposition et du pouvoir, ni l’émergence des mouvements sociaux habituels, c’est une considérable vague de colère qui monte. Très diverse. Une partie de la population, qu’elle manifeste dans la rue ou pas, ne supporte plus les restrictions sanitaires, ne croit plus ses dirigeants ni les médias traditionnels. Quoi qu’il arrive, ces soulèvements, pacifiques ou violents, laisseront des traces. Les rebelles ravaleront peut-être leur amertume comme les «gilets jaunes» mais risquent bien de décrocher, de se marginaliser. Terrible secousse pour nos édifices démocratiques. A l’image de la Guadeloupe et de la Martinique (où les trois quarts des jeunes sont au chômage), la révolte du moment peut enflammer, en Europe aussi, les mécontentements et les frustrations latentes. L’escalade des discours furieux, de part et d’autre, ne cesse de faire de monter la tension.

«Intervalles», revue culturelle du Jura bernois fête ses 40 ans avec le souvenir de Simone Oppliger
Beau bail pour cette revue (qui paraît trois fois par an), issue du Jura bernois et de Bienne, née en 1981 au comble des tensions politiques. Dès le début elle s’est efforcée de ne pas se laisser gagner par les passions antagonistes. Au fil de ses 120 numéros publiés, elle s’est ouverte aussi sur la République du Jura, sur Neuchâtel, la voisine, et au-delà. Donnant écho aux talents littéraires et artistiques de toute la Suisse romande.

Israël interdit six ONG d’aide aux Palestiniens
L’information n’a pas fait grand bruit. Le gouvernement israélien veut faire taire les organisations vouées au soutien de la population palestinienne, dans le pays et en Cisjordanie occupée. Six d’entre elles ont été interdites le 19 octobre, qualifiées de «terroristes». Certaines ont pourtant bénéficié de l’aide financière de la Suisse. Elles étaient depuis longtemps victimes du harcèlement des autorités: perquisitions, interpellations d’employés, écoutes des communications.

New York en Ukraine
«New York, Ukraine. Guide d’une ville inattendue», Niels Ackermann et Sébastien Gobert, Editions Noir sur Blanc, 204 pages.

L’extraordinaire découverte de Françoise Gardiol, la Genevoise qui arpente le monde et son destin familial
Ethnologue? Ecrivaine? Infatigable voyageuse? Elle est tout cela, cette dame de petite taille, plus qu’octogénaire, à l’œil vif et rieur. Comment se fait-il que cette personnalité marquante du paysage littéraire et intellectuel romand ne soit pas plus connue? Après avoir trotté dans à peu près toutes les parties du monde, elle plonge à ses sources ancestrales. Dans le passé des Vaudois du Piémont, ces protestants d’avant la Réforme, persécutés, massacrés au cours des siècles, mais où qu’ils trouvent, fidèles encore à leur foi, à leur vie simple et digne. Un livre précieux pour en savoir enfin plus. Et pour tomber sur une incroyable surprise… en Calabre.

Les mollachus de l’Europe
Le contraste est frappant. Alors que l’économie et la société helvétiques témoignent d’une grande et rapide capacité d’adaptation aux changements de l’époque, l’appareil politique s’enferre dans la procrastination et le déni face à un dossier brûlant. Les liens avec l’Union européenne. Le nouveau président du PLR en rajoute une couche sur l’air de «tout va bien madame la Marquise, tout ira bien».

Eloquente histoire d’une manipulation
«Temps sauvage», Mario Vargas Llosa, Editions Gallimard, 400 pages.

La saga Bertil Galland, un moment d’histoire
Il n’y a pas un livre, pas un autre film pour dire aussi bien la seconde moitié du 20e siècle en Suisse romande. A travers la littérature et le journalisme. L’illustration d’un destin personnel hors du commun. Mais aussi de ce que peut produire de meilleur ce bout de pays. «La Saga Bertil Galland» de Frédéric Gonseth et Catherine Azad est à voir absolument. Sur RTS 2 à 22h30, le 31 octobre, et en replay.

Le bal des monomaniaques
Il y en a de tous poils, des plus détestables aux plus convenables. Ils envahissent la scène politique dans plusieurs pays d’Europe, chez nous aussi. Des discoureurs de tribunes ou de rues qui n’ont qu’une chose à dire et la répètent comme un moulin à prières. Mais que se passe-t-il donc dans leur tête? De Eric Zemmour à Alain Berset.

La jeune femme qui veut secouer le Parlement
Ces deux dernières années, on ne peut pas dire que les Chambres aient marqué l’histoire. Tous les commentateurs en conviennent. Le train-train, oui, les élans audacieux, bernique. Or une voix inattendue s’élève en Suisse alémanique: la nouvelle directrice du Think tank Opération Libero. Une juriste de 28 ans, née dans les Balkans, d’une famille musulmane, arrivée en Suisse à l’âge de trois ans. Elle y va fort dans une longue interview de la «NZZ».

Le virus du pouvoir et ses fâcheux effets
Que le sentiment de puissance tourne la tête de certains dirigeants, ce n’est pas nouveau. L’histoire est faite de ces accès de fièvre. Mais les remparts démocratiques semblaient mettre la sage Helvétie à l’abri de tels dérapages. Naïveté. Le virus du pouvoir peut faire déraper partout.

L’Amérique et ses vassaux
La claque infligée à la France par les Etats-Unis, l’Australie et la Grande-Bretagne avec la rupture brutale du contrat sur les sous-marins laisse les Suisses indifférents. Certains sourient même sous cape. Ils ont tort. Ils feraient bien de tirer quelques enseignements de ce clash retentissant.

«L’avenir de la Suisse est menacé», le président de l’EPFL dixit
Martin Vetterli est peu connu pour des déclarations fracassantes. Dans une interview accordée à «blick.fr» il n’y va pourtant pas de main morte. Pour lui, la rupture de l’accord-cadre avec l’UE aura de lourdes conséquences.

Le Suisse qui ausculte le monde… depuis Kaboul
Le visage de Franz J. Marty est devenu soudain familier des télévisions germanophones et anglophones. Ce journaliste suisse est resté à Kaboul après la victoire des talibans et continue de communiquer à travers internet et donne d’impeccables interviews en vidéo. Ce connaisseur de l’Afghanistan − il y est établi depuis 2014 − n’est pas un correspondant comme les autres. Il est l’un des jeunes chercheurs qui ont créé le «Swiss Institute for Global Affairs (SIGA)», une plateforme consacrée à la géopolitique.

L’exclusion des pestiférés
Oui, les non vaccinés sont bannis de la vie sociale tels des pestiférés. Et de plus s’il leur prend l’envie de passer les frontières, il est prévu de leur compliquer le plus possible et de renchérir drastiquement leur voyage (trois tests!). Quoique l’on pense du vaccin, comment ne pas voir dans quel engrenage liberticide nous sommes engagés?

Des médias pas comme les autres qui se portent bien
Sur le papier ou en ligne, de petites échoppes offrent aux publics curieux des textes, des dessins, des images qui sortent de l’ordinaire. Deux d’entre elles sont à la fête ces jours. L’hebdomadaire satirique «Vigousse» vient de publier son 500ème numéro. Et dans un tout autre registre, le site Antipresse en est à sa 300ème édition, sans manquer un seul de ses rendez-vous dominicaux.

L’affaire Navalny ou de l’usage du complotisme
Ce livre dont les médias n’ont guère parlé a de quoi semer le trouble chez quiconque se méfie des récits simplistes. D’abord parce qu’il est le fruit du travail fouillé d’un grand pro du renseignement, Jacques Baud, qui a passé sa vie à regarder au-delà des apparences; aujourd’hui retraité après une carrière auprès de la Confédération, des Nations-Unies et de l’OTAN. Son ouvrage intitulé «L’affaire Navalny. Le complotisme au service de la politique étrangère» va bien au-delà du cas particulier.

L’Occident aveuglé
Les images parvenues de Kaboul ces derniers jours sont bouleversantes. Des vagues d’émotion nous ont envahis: effroi, empathie, colère. Elles retombent déjà. Le moulin des frayeurs tourne vite. Et puis Kaboul, c’est loin. Croit-on. Il n’empêche que ce 15 août marqué par la victoire des talibans entre dans l’histoire. Avec un cruel constat: les Occidentaux, Américains en tête, n’ont pas compris ce qui se passait dans les profondeurs de ce pays et le paient cher. Et ailleurs? Comprennent-ils?

Tempêtes sur terre et dans les têtes
Le dernier rapport du GIEC déchaîne toutes sortes de réactions passionnées. Il confirme les constats précédents, hausse le ton et affirme que le réchauffement s’accélère. Dont acte. Mais que faire dans nos têtes des clameurs qui s’élèvent, emportées par l’escalade des superlatifs? Alerte rouge, menace sur l’humanité, la terre brûle… Tenter plutôt d’en revenir aux faits. Et faire la part des attitudes et propositions très diverses face à l’alarme. Se demander aussi comment nous choisirons de vivre demain.

Surveillés de partout. A devenir parano?
Que nous soyons tous tracés par quelque outil digital, il faut être un berger sans téléphone sur l’Alpe pour ne pas le comprendre. Et encore… l’Etat compte les moutons. Mais comment évaluer à quel point la société de surveillance impacte nos vies? Divers faits récents éclairent la réflexion. Pour ne tomber ni dans l’indifférence ni dans le réflexe de persécution.